Bruyants écoulements

Pour réduire le bruit des avions, il ne suffit pas d'améliorer les moteurs. L'écoulement de l'air le long de la voilure est aussi très bruyant. Les recherches pour diminuer cette nuisance n'en sont qu'à leurs débuts.

Numéro 11

 

L'antenne acoustique permet de
L'antenne acoustique permet de "voir" d'où viennent les bruits.

 
Préférez-vous le bruit d'un avion au décollage ou à l'atterrissage ? Aucun bien sûr, surtout si vous habitez près d'un aéroport. Afin de répondre aux soucis des riverains, les constructeurs d'avions s'intéressent à ces deux aspects. En effet, ces bruits n'ont pas la même origine, et les moyens de les réduire ne seront pas les mêmes. Au décollage, les moteurs tournent à plein régime et leur niveau sonore est prépondérant. A l'atterrissage, en revanche, les bruits engendrés par l'écoulement de l'air autour de l'avion dominent souvent même si le son du moteur est encore largement présent.
 
Ces bruits dits " aérodynamiques " sont d'autant plus gênants que les avions restent plus longtemps à basse altitude lors de l'atterrissage. " Les bruits de moteurs ont beaucoup diminué, notamment grâce aux moteurs à double flux, dans lesquels le rotor est entraîné par une turbine, remarque Alain Julienne, responsable de l'unité de recherches sur les bruits d'écoulement à l'Onera. Ces évolutions techniques ont entraîné une diminution du niveau sonore dû au jet des réacteurs. Pour gagner encore en silence, il faut s'attaquer en même temps à toutes les sources prépondérantes. C'est pourquoi nous nous intéressons au bruit aérodynamique. "
 

Maquette d'Airbus dans la soufflerie anéchoïque CEPRA19 de l'Onera
Maquette d'Airbus dans la soufflerie anéchoïque CEPRA19 de l'Onera

La simulation du rayonnement acoustique d'un profil d'aile en vol repose sur de forts couplages entre acoustique et mécanique des fluides


La simulation du rayonnement acoustique d'un profil d'aile en vol repose sur de forts couplages entre acoustique et mécanique des fluides.
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Première étape : comprendre leur origine. Pour cela, rien ne vaut des essais en soufflerie. L'Onera a donc étudié la maquette d'un avion réduit au dixième de sa taille, dans la soufflerie CEPRA19 dite " anéchoïque " (recouverte de matériaux absorbant le bruit, afin d'éliminer les réflexions des ondes sonores). " L'enregistrement à l'aide de micros ne donne qu'une information globale sur le bruit, ne permettant pas de remonter à sa source. Nous nous sommes donc équipés d'antennes permettant d'identifier la localisation du bruit pour chaque fréquence ", explique le scientifique. Résultat : les principales sources de bruit sont situées au voisinage des discontinuités de l'aile (becs de bord d'attaque, volets et leurs supports, fentes.), qui créent des tourbillons lorsque la voilure est déployée. Les mêmes études ont été menées parallèlement, en vol, à l'aide d'antennes situées au sol. L'Onera a ainsi réalisé la cartographie acoustique d'un avion en vol.

Mais le chemin est long vers la compréhension précise de l'origine du bruit. Et plus long encore pour concevoir des dispositifs qui permettront de réduire cette nuisance. " Nous n'avons pas encore totalement identifié les mécanismes engendrant le bruit, souligne Alain Julienne. Celui-ci est distribué sur l'ensemble de la voilure, et il est difficile de tout connaître. Nous devons encore mener beaucoup de simulations numériques de l'écoulement de l'air qui est directement en contact avec l'aile, et de son interaction avec les différents éléments qui la composent. Ces simulations sont complexes, et nécessitent typiquement des temps de calcul de 600 ou 800 heures sur de gros ordinateurs. "

Certaines voies semblent prometteuses pour réduire les bruits, comme l'utilisation de surfaces poreuses. A condition toutefois de traiter les sources sonores les plus importantes. Le développement des modifications risque de s'avérer quelque peu compliqué. Les contraintes aérodynamiques priment évidemment sur les objectifs acoustiques. Mais les obligations réglementaires sur les niveaux sonores des avions sont une incitation puissante aux recherches dans ce domaine. L'exemple du Concorde, rejeté car trop bruyant, est encore dans toutes les mémoires.

Localisation des sources acoustiques. Il n'y pas que les moteurs qui sont bruyants!
Localisation des sources acoustiques.
Il n'y pas que les moteurs qui sont bruyants!

 

Cécile Michaut, journaliste scientifique.

   

 

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