Des calculs « deux en un »

L’air déforme la structure d’un avion, tandis que les vibrations de l’avion modifient l’écoulement de l’air. Pour prendre en compte l’ensemble de ces phénomènes, l’Onera développe des modélisations couplant la mécanique des fluides et la mécanique du solide.

Numéro 35

Calcul de température d'une aube de turbine où la paroi et un canal de refroidissement sont pris en compte, avec couplage des codes fluide et solide (resp. Cedre et Abaqus).

Calcul de température d'une aube de turbine où la paroi et un canal de refroidissement sont pris en compte, avec couplage des codes fluide et solide (resp. Cedre et Abaqus).

 

Dans les simulations numériques d’avions, les spécialistes de mécanique des fluides modélisent les mouvements de l’air autour des ailes ou dans les moteurs, et les chercheurs en mécanique des structures analysent le comportement des pièces mécaniques. Mais l’air et la structure de l’avion ne sont pas déconnectés : ils interagissent l’un sur l’autre. L’écoulement de l’air déforme les ailes, entraîne des vibrations, qui elles-mêmes modifient l’écoulement du fluide. La complexité de ces phénomènes doit être prise en compte dans des simulations « multiphysiques ».

" Malheureusement, il n’existe pas de code de calcul universel, regrette François-Xavier Roux, chercheur au département " Traitement de l’information et modélisation " de l’Onera. Les calculs de structure mécanique et de fluides sont déjà complexes, et dans ces domaines, on n’utilise pas le même langage, ni le même maillage (découpage de l’espace en petits volumes, ou éléments), et il serait donc très compliqué de créer un nouveau code de calcul intégrant les deux physiques. " Il est plus simple de coupler les codes existants, " Nous ne savons pas calculer les deux aspects à la fois, note le chercheur. C’est pourquoi nous menons des calculs successifs avec de multiples allers-retours entre les deux codes de calculs, injectant les informations d’un calcul de structure dans un calcul de fluide et réciproquement. » Ces logiciels fonctionnent simultanément sur un réseau d’ordinateurs, et il faut donc peaufiner les échanges de données entre les machines.

Maillage fluide/solide de la géométrie d’un propulseur simplifié. A gauche l'avant et à droite la tuyère d'éjection des gaz. Le couplage fluide/structure permet d'accéder à la déformée du propulseur, y compris de l'enveloppe métallique, au cours de la montée en pression.

Maillage fluide/solide de la géométrie d’un propulseur simplifié. A gauche l'avant et à droite la tuyère d'éjection des gaz. Le couplage fluide/structure permet d'accéder à la déformée du propulseur, y compris de l'enveloppe métallique, au cours de la montée en pression.

Jean-Didier Garaud, doctorant au département Mécanique du solide et de l’endommagement, s’intéresse par exemple aux questions d’écoulement dans le circuit de refroidissement du moteur Vulcain2 du lanceur Ariane. Ce circuit est constitué de tubes creux de section rectangulaire, enroulés en spirale autour de la paroi de la tuyère, dans lequel on fait passer de l’hydrogène pour refroidir les parois. En plus des mouvements de l’air et des pièces mécaniques, il faut prendre en compte les échanges de chaleur, qui déforment aussi les structures. Si la déformation est trop forte, la tuyère peut se casser, ou empêcher le passage des fluides.

Schéma de la partie haute de la tuyère Vulcain, constituée de 288 tubes en Inconel 600, dans lequel l'hydrogène refroidit la paroi.

Schéma de la partie haute de la tuyère Vulcain, constituée de 288 tubes en Inconel 600, dans lequel l'hydrogène refroidit la paroi.

" Nous avons réalisé des calculs prenant en compte les aspects thermiques, indique le chercheur. Le résultat est satisfaisant : nous reproduisons correctement les échanges thermiques, aussi bien en régime stationnaire qu’en  régime instationnaire (intégrant les évolutions dans le temps). "

Ces calculs ont été menés dans ce cas en couplant un logiciel de mécanique des fluides développé par l’Onera [Cedre], avec un logiciel de  mécanique conçu par l’Onera en collaboration avec l’Ecole des Mines [ZebuLoN]. Ils ont fait l’objet d’une thèse. Une deuxième thèse est en cours sur le comportement de la tuyère dans les cas des grandes déformations. " C’est ce genre de prestation que les industriels attendent de l’Onera, constate François-Xavier Roux. Il ne s’agit pas uniquement d’être spécialiste d’un domaine, mais aussi de donner une réponse globale à une question. D’où l’intérêt d’être pluridisciplinaire. "

Les deux physiques - ici l'écoulement d'un fluide et les déformations de structure, sont résolues séparément par deux logiciels différents spécialisés, en employant la méthode de couplage dite partitionnée.

Les deux physiques - ici l'écoulement d'un fluide et les déformations de structure, sont résolues séparément par deux logiciels différents spécialisés, en employant la méthode de couplage dite partitionnée.

 

Cécile Michaut, journaliste scientifique.

 

Retour à la liste