Autonomie

Donner de l’autonomie à des véhicules sans pilote

Magali Barbier était sur le pont d'un bâtiment de la Marine Nationale pour assister aux premières missions en totale autonomie d'un véhicule expérimental chasseur de mines, équipé d'un logiciel de l'Onera. 

Magali Barbier développe des architectures décisionnelles grâce auxquelles des véhicules sans pilote acquièrent de l’autonomie. Ces recherches s’intègrent dans un travail d’équipe au sein du département Commande des systèmes et dynamique du vol (DCSD), impliquant plusieurs unités de recherche. Au printemps dernier, elle était sur le pont du bâtiment d’expérimentation de la guerre des mines Thétis de la Marine nationale quand les hommes du Groupe d’études sous-marines de l’Atlantique (Gesma) ont mis à l’eau le Redermor, un véhicule expérimental chasseur de mines. Pour ce dernier, il s’agissait de réaliser ses premières missions en totale autonomie. Pour y parvenir, il disposait à son bord du logiciel ProCoSA, développé par les équipes de l’Onera.

" Jusqu’ici le Gesma n’avait procédé à aucun essai en mode autonome en mer. Ces équipes travaillaient à optimiser la robustesse du Redermor pendant qu’à Toulouse nous développions et testions l’architecture décisionnelle, basée sur le logiciel ProCoSA, nécessaire à l’autonomie de ce véhicule. C’était donc la première fois que cette architecture allait être évaluée en mer sur le véhicule ", explique Magali Barbier. Cette " première " restera une expérience exceptionnelle pour cette femme ingénieur de recherche, diplômée de l’Ensica (Ecole nationale supérieure d’ingénieurs de constructions aéronautiques) et titulaire d’un doctorat en automatique, qui a commencé sa carrière à l’Onera en travaillant dans le domaine du trafic terrestre avant de s’intéresser à l’autonomie des véhicules sans pilote au sein de l’unité " Conduite et décision ".

Des essais très satisfaisants

Magali Barbier se souvient que c’est à la fin des années 90 qu’a débuté la collaboration avec le Gesma. Il s’agissait de développer une architecture décisionnelle pour leur véhicule sous-marin. « Nous leur avons donc proposé d’utiliser le logiciel ProCoSA (Programmation et contrôle des systèmes à forte autonomie), conçu précédemment pour les besoins de la robotique mobile avec l’aide de la DGA ». Cela fait plus de six ans que Magali Barbier travaille au développement de cette architecture embarquée, baptisée Nivas (Navigation intégrée pour véhicule autonome sous-marin) qui a été testée en mars dernier dans la baie de Douarnenez. Néanmoins, elle tient à rappeler que c’est Claude Barrouil, l’actuel directeur scientifique de la banche TIS (Traitement de l’information et systèmes) de l’Onera, qui est à l’origine de ces travaux.

Dès lors, on imagine parfaitement la tension qui devait régner ce lundi 20 mars sur le pont de la Thétis quand l’équipage a mis à l’eau le Redermor, cet engin de quatre tonnes, long de six mètres cinquante, avec à son bord Nivas qui comprend la fonction de supervision de l’exécution et les logiciels de planification, de guidage et de pilotage. Pour tous, c’était une sorte d’aboutissement. Si certaines des missions programmées n’ont pas été totalement finalisées, du fait de problèmes informatiques, inévitables dans ce genre de " première ", les essais effectués durant trois jours ont été très satisfaisants. Au total, le Redermor a réalisé trois missions différentes, chacune d’une durée d’une demi-heure. " Chacune de ses missions avait été préparée sur l’interface opérateur, baptisée Iovas (Interface opérateur pour véhicule autonome sous-marin) et développée par l’entreprise Prolexia, avant d’être chargée à bord du véhicule via une communication hertzienne. Une fois le Redermor en mode autonome, nous disposions d’une liaison acoustique spécifique nous permettant d’arrêter à tout moment la mission. Par ailleurs, le véhicule est équipé d’un modem acoustique grâce auquel nous pouvions connaître en temps réel sa position par rapport à celle de la Thétis ", indique-t-elle.

Prochaine étape, le démonstrateur

Les recherches sur l’autonomie au DCSD se poursuivent en interne sur les plates-formes expérimentales ReSSAC, deux hélicoptères Rmax sur lesquels les ingénieurs ont réalisé le vol autonome, avec décollage et atterrissage en zones non préparées. Des études sont ainsi prévues sur la coopération multi-véhicules impliquant les deux ReSSAC mais aussi d’autres engins aériens, terrestres et sous-marins. Autre axe de ces recherches, la coopération opérateur-système avec la problématique du partage d’autorité.

En mai dernier, l’unité toulousaine que dirige Jean-François Gabard a réalisé le même type d’essais à Dijon. Cette fois-ci, l’architecture ProCoSA était embarquée en effet à bord d’un véhicule aérien. " Nous avons effectué cette mission dans le cadre du programme CEVM (Contrôle d’exécution de vol et de mission) que nous menons en collaboration avec EADS pour le compte du SPNuM (Service des programmes nucléaires et de missiles). Notre travail a consisté en particulier à implémenter l’architecture décisionnelle sur un avion léger MCR4S à bord duquel se trouvait un pilote et l’opérateur disposant du calculateur décisionnel ", résume Magali Barbier. Pour l’heure, les ingénieurs de l’Onera poursuivent des travaux qui visent à améliorer la sûreté de fonctionnement de ProCoSA. " La prochaine étape c’est le démonstrateur, réalisé par les industriels. Sinon, une application basée sur ProCoSA est envisageable à l’horizon 2015 ", affirme-t-elle. C’est le défi à relever si la France souhaite rester au contact des Américains dans ce domaine.

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