La chasse au givre commence ici

Mieux comprendre la formation du givre sur les avions, aider les constructeurs à prouver que leurs appareils savent y faire face, et éliminer le givre le plus dangereux : tels sont les buts de Sunset, un projet de recherche commun entre l’Onera et la Nasa.

Numéro 45

L'Onera et la Nasa ensemble dans la soufflerie F1 au Fauga-Mauzac, pour comprendre, faire face, éliminer le givre.

L'Onera et la Nasa ensemble dans la soufflerie F1 au Fauga-Mauzac, pour comprendre, faire face, éliminer le givre.

Le givre est la première cause non humaine des accidents aéronautiques. Il gêne les moteurs, dégrade les performances aérodynamiques de l’avion, et détériore les sondes. C’est dire si les constructeurs lui accordent une attention particulière : comment l’éviter ? Comment en minimiser les effets ? Avant tout, il faut comprendre la manière dont il se forme, et concevoir des voilures qui empêchent sa formation.

C’est le but du projet Sunset, une collaboration entre l’Onera et la Nasa, qui vise à mieux comprendre la formation du givre, et à développer des modèles numériques permettant aux constructeurs d’avions de prouver que leurs appareils peuvent voler sans danger en conditions givrantes.

Simulation numérique de l'écoulement au niveau du bord d'attaque doté d'accrétions de givre en forme de corne (EG1164horn) qui fait s'écrouler les performances Simulation numérique de l'écoulement au niveau du bord d'attaque doté d'accrétions de givre en forme de corne (EG1164horn) qui fait s'écrouler les performances

Simulation numérique de l'écoulement au niveau du bord d'attaque doté d'accrétions de givre en forme de corne (EG1164horn) qui fait s'écrouler les performances

Il existe en fait plusieurs types de givres. Celui qui dégrade le plus les performances de l’avion a lieu lorsque la température est proche de zéro, il est appelé la « barrière de regel en aval ». Il peut se former dans des conditions de givrage extrême avec des gouttes de gros diamètre (bruine ou pluie verglaçante). Vient ensuite le givre en verglas pour lequel de l’eau ruisselle localement et il se crée des formes de cornes qui font perdre son aérodynamisme à l’avion. Ce sont ces types de givre, transparents, qu’il faut absolument éviter, alors que le givre blanc qui existe lorsque la température est bien en dessous de zéro présente bien moins de danger.

Performances en portance (Cl), moment de tangage (Cm) et trainée (Cd) pour le profil sans givre (points noirs pleins) et les quatre profils

Performances en portance (Cl), moment de tangage (Cm) et trainée (Cd) pour le profil sans givre (points noirs pleins) et les quatre profils "givrés" différents

 

Pour étudier les effets du givre sur l’aérodynamisme des avions, il est indispensable de mener des tests en soufflerie. Problème : il n’existe pas de soufflerie grandeur nature dotée de systèmes de refroidissement adaptés à l’étude du givre sur les gros avions. « Lorsqu’on reproduit les formes du givre sur des maquettes à échelle réduite, les dégradations aérodynamique que l’on obtient sont bien supérieures à celles qu’on observe à échelle 1 », souligne Didier Guffond, chercheur au département de Mesures physiques de l’Onera.

Détail d'un moulage en résine de givre

Détail d'un moulage en résine de givre

Il fallait donc trouver les correspondances entre les formes du givre à échelle réduite et celles à échelle 1. Autrement dit, trouver quelle taille des motifs du givre à échelle réduite a le même effet que celle à échelle 1. Pour cela, les chercheurs de l’Onera en collaboration avec la Nasa ont utilisé la soufflerie givrante du Glenn Center à Cleveland aux Etats-Unis, et ils ont obtenu des résultats à échelle 1 sur des profils d'avions plus petits, qui ont pu être comparés aux résultats sur des profils à échelle réduite, afin d'établir les correspondances.

L’Onera et la Nasa ont reproduit les formes du givre ainsi dimensionnées à l’aide de moulages en résine, et ainsi réaliser des essais à échelle réduite représentatifs de la grandeur réelle. Les profils d'aile sur lesquels on colle ces « sculptures » peuvent ainsi être testés en souffleries à n’importe quelle température. On produit ainsi les nombreuses données nécessaires pour valider les simulations numériques.

L’Onera et la Nasa ont reproduit les formes du givre ainsi dimensionnées à l’aide de moulages en résine, et ainsi réaliser des essais à échelle réduite représentatifs de la grandeur réelle. Les profils d'aile sur lesquels on colle ces « sculptures » peuvent ainsi être testés en souffleries à n’importe quelle température. On produit ainsi les nombreuses données nécessaires pour valider les simulations numériques.

« Cette collaboration avec la Nasa s’est terminée en 2008, et elle a tellement bien fonctionné que la Nasa nous a proposé une prolongation jusqu’en 2011, ce qu’elle ne fait jamais d’habitude », se réjouit Didier Guffond. Cette prolongation permet de mieux exploiter les données à échelle 1, et d’améliorer les simulations.

Mise en place sur l'aile dans la veine de la soufflerie d'une sculpture de bord d'attaque en résine, doté d'une des quatre formes de givre du programme Sunset

Mise en place sur l'aile dans la veine de la soufflerie d'une sculpture de bord d'attaque en résine, doté d'une des quatre formes de givre du programme Sunset

 

Le but ultime est bien sûr de trouver des moyens de réduire ou supprimer ce givre dangereux. Actuellement, sur les gros avions, de l’air chaud à 180°C est prélevé dans le moteur pour faire fondre le givre. D’après Didier Guffond, de l’air à 80°C pourrait suffire, à condition d’augmenter les échanges thermiques entre la voilure et l’extérieur. « Quand l’eau touche la voilure, elle évacue de la chaleur lorsqu’elle devient solide, explique le chercheur. Si cette chaleur ne s’évacue pas suffisamment, une partie de l’eau ruisselle et le givre transparent, le plus dangereux, se forme. Il faut donc augmenter les échanges de chaleur à l’intérieur de l’aile où circule l’air chaud afin d’avoir un meilleur rendement ».



Cécile Michaut, journaliste scientifique.

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