L'optique adaptative à l'ONERA : de Come-On à l'E-ELT

Affranchir les téléscopes terrestres de la turbulence atmosphérique pour voir toujours plus loin, avec une meilleure résolution... tel est l'objet de l'optique adaptative, une technologie dont l'ONERA fut l'initiateur, et qu'il enrichit aujourd'hui de nouveaux concepts pour améliorer encore ses performances.

L'Europe prépare le plus grand télescope du monde. Nommé European Extremely Large Telescope ou E-ELT, ce mastodonte, doté d'un miroir primaire de 42 mètres de diamètre, devrait voir le jour – c'est-à-dire sa « première lumière » - à l'horizon 2018-2020. L'Observatoire européen austral (ESO) a annoncé tout récemment sa décision de l'installer au Chili, sur le mont Armazones, culminant à 3 060 mètres.

Diamètre des téléscopes : la course vers le gigantisme

C'est l'occasion pour l'ONERA de revenir sur une belle histoire, celle de l'optique adaptative, dont il est à l'origine et qu'il continue de faire progresser. Cette technologie est une composante indissociable de l'E-ELT. Elle corrige les effets néfastes de la turbulence atmosphérique pour restituer au télescope toute son acuité visuelle. Sans elle, les images seraient floues.

Intervenant : Thierry Fusco, Département Optique Théorique et Appliquée.

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De l'idée à la technologie

Les premiers pas de l'optique adaptative

Depuis plus d'un siècle, la taille des téléscopes ne cesse d'augmenter. Le diamètre de leur miroir principal est aujourd'hui de 8 à 10 mètres. Il atteindra bientôt plus de quarante mètres. Cette escalade a deux objectifs :



1/ augmenter la surface collectrice pour récupérer un plus grand nombre de photons afin d'observer des objets astronomiques (galaxies, étoiles, planètes...) situées de plus en plus loin, et donc remonter le temps pour comprendre la formation et l'évolution de l'univers ;



2/ augmenter le pouvoir de résolution angulaire des télescopes afin de distinguer des détails de plus en plus fins.

Exemple de gain apporté par l'optique adaptative NAOS (première OA du VLT mise en service en 2001 et dont l'ONERA est maitre d'oeuvre, collaboration ONERA, observatoire de Paris, Observatoire de Grenoble et ESO) [crédit : Y. Clenet]

Exemple de gain apporté par l'optique adaptative NAOS (première OA du VLT mise en service en 2001 et dont l'ONERA est maitre d'oeuvre, collaboration ONERA, observatoire de Paris, Observatoire de Grenoble et ESO)

[crédit : Y. Clenet]

Atmosphère !

Reste que tous les instruments mis au point pour scruter l'univers souffrent du même mal, d'autant plus difficile à éliminer que le coupable est l'atmosphère terrestre : la turbulence atmosphérique brouille leur vue. L'image d'une étoile, qui a parcouru des milliers d'années lumières en restant parfaitement nette, se trouve dégradée durant ses derniers kilomètres. Les mélanges d'air chaud et d'air froid introduisent des avances et des retards de phase le long du trajet optique pour aboutir in fine à un front d'onde déformé sur la pupille du télescope. De plus, ces fluctuations évoluent très rapidement, sur une échelle de temps de l'ordre de la milliseconde. Le résultat final est qu'un télescope terrestre de 8 mètres fournit une image équivalente à celle d'un télescope de 20 cm qui serait placé au-dessus de l'atmosphère !



La solution ultime est bien évidemment d'envoyer le télescope dans l'espace, comme c'est le cas avec Hubble. Toutefois, cette alternative est très coûteuse et restreint la taille du miroir principal. D'où l'intérêt de l'optique adaptative, qui se propose de corriger les effets de la turbulence. L'idée en avait été émise par un scientifique américain, Horace W. Babcock, dans les années 1950. Mais la technologie ne permettait pas alors de passer de l'idée à la réalisation.

 

Intervenant : Thierry Fusco, Département Optique Théorique et Appliquée.

Qu'est-ce que l'optique adaptative

Ce n'est que dans le milieu des années 1970 qu'il a été possible d'envisager la réalisation concrète d'un système complet d'optique adaptative. Son principe ? Un analyseur de surface d'onde placé dans le train optique du télescope mesure les déformations du front d'onde. Cette information est transmise à un calculateur temps réel qui fournit les ordres nécessaires à un ensemble d'actionneurs qui déforment un miroir de manière à rétablir le front d'onde tel qu'il était avant d'entrer dans l'atmosphère.



Cette technologie est un système asservi qui fonctionne en boucle fermée. L'analyseur de front d'onde mesure les résidus de phase après correction par le miroir, le but étant de tendre vers un front d'onde le plus plan possible. On peut comparer cette approche à celle du conducteur d'une voiture dans un virage. Il donne un premier coup de volant relativement imprécis, puis corrige en permanence les erreurs de trajectoire du véhicule par de petites impulsions permettant de rester sur la route.

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Come-On

L'ONERA devient systémier de l'optique adaptative

L'ONERA a commencé à travailler sur l'optique adaptative au milieu des années 70 en apportant son expertise à la société Cilas sur le thème de la mesure des effets de la turbulence. L'objectif, essentiellement militaire, était la focalisation de faisceaux lasers. Par la suite, les chercheurs se sont de plus en plus investis dans la nouvelle technologie. Passant du rôle d'expert à celui de systémier, ils ont développé en interne des analyseurs de front d'onde et des calculateurs temps réel répondant aux impératifs de l'optique adaptative. Les objectifs étaient toujours militaires : la focalisation de faisceaux laser, mais aussi l'observation des satellites en orbite basse passant au-dessus de notre territoire (cf. satellites espions).

Téléscope sur le site de

Téléscope sur le site de "La Silla" au Chili (un observatoire de l'European Southern Observatory), 1er optique adaptative astronomique faite à l'ONERA

C'est alors – nous étions dans les années 80 – que les équipes de l'ONERA et les astronomes ont établis leurs premiers contacts. Ils ont été décisifs ! Car l'optique adaptative trouve dans l'astronomie un immense champ d'application, avec des besoins très divers en termes d'observations, demandant toujours plus d'efficacité et de précision.



Partant de l'expression des besoins des astronomes, l'ONERA a conçu, spécifié et mis en œuvre le tout premier système d'optique adaptative au monde dédié à l'astronomie : le système Come-On, qui a été installé sur le télescope de 3,6 mètres de diamètre de l'European Southern Osbervatory (ESO) de la Silla au Chili. Les premières images corrigées de la turbulence ont été obtenues en 1990.



Cette première mondiale a ouvert la voie au développement de nombreux systèmes au cours des dix années qui ont suivi, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, tous les grands télescopes de la classe 8-10 mètres étant peu à peu équipés d'optique adaptative.

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Naos et le VLT

La maturité opérationnelle

Après Come-On, système expérimental de démonstration, l'aventure de l'optique adaptative est entrée dans une nouvelle ère, celle de la réalisation de systèmes opérationnels conçus pour déboucher sur des percées scientifiques en astronomie.



En collaboration avec les observatoires de Paris, de Grenoble et l'ESO, l'ONERA a conçu, spécifié et mise en œuvre Naos (Nasmyth Adaptative Optics System), le système d'optique adaptative qui équipe l'un des quatre télescopes de huit mètres du VLT (Very Large Telescope) de l'ESO, installé sur le mont Paranal, au Chili.

La planète de Beta Pictoris, vue par « le Very Large Telescope » européen en 2003 et 2009 avec le système d’optique adaptative Naos , mis en œuvre par l’Onera [Crédit photo : A-M. Lagrange, LAOG]

La planète de Beta Pictoris, vue par « le Very Large Telescope » européen en 2003 et 2009 avec le système d’optique adaptative Naos , mis en œuvre par l’ONERA

[Crédit photo : A-M. Lagrange, LAOG]

Naos, à l'origine de premières scientifiques en astronomie et astrophysique

Le nombre de modes d'observation (plus d'une cinquantaine) et la polyvalence de Naos permettent d'étudier des objets astronomiques allant des petits corps du système solaire jusqu'aux galaxies lointaines en passant par l'environnement proche des étoiles (disques de poussière et de gaz) et les régions de formation stellaire.



Naos est ainsi à l'origine d'avancées marquantes en astronomie et astrophysique, comme :

  • L'observation directe des premières planètes extrasolaires.

    Avant Naos, elles avaient été détectées de façon indirecte via l'atténuation du flux de photons de l'étoile ou les mouvements de celle-ci sous leur influence gravitationnelle. Avec Naos, elles ont été observées en vision directe.
  • La mesure de la masse du trou noir présent au centre de notre galaxie. Naos permet de mesurer précisément la trajectoire des étoiles, dont on peut déduire la masse du trou noir (2,6 millions de fois la masse du soleil)

Naos et Conica (caméra infrarouge) au foyer Nasmyth

Naos et Conica (caméra infrarouge) au foyer Nasmyth

Naos, un changement de dimension

Installé sur site à l'automne 2000, Naos est composé d'un miroir déformable comportant 185 points d'actionnement, pour une déformation de quelques micromètres toutes les deux millisecondes (500 Hz, à comparer aux 100 Hz de Come-On). D'un diamètre de 115 mm, il est placé après le train optique, c'est-à-dire la succession de miroirs, dont le miroir primaire de 8 mètres qui a la charge de collecter les photons. Pour mesurer le front d'onde, l'utilisateur a le choix entre deux analyseurs, l'un fonctionnant dans le visible, l'autre dans l'infrarouge. Le tout est contrôlé par un ordinateur temps réel qui permet à la fois de piloter le miroir déformable (à la cadence de 500 Hz) et de mesurer, durant l'observation, les paramètres atmosphériques et les performances du système pour optimiser la boucle d'optique adaptative.



Avec Naos, le VLT atteint son pouvoir de résolution théorique maximum en son cœur, soit l'équivalent d'un télescope de huit mètres placé dans l'espace, c'est-à-dire un résultat trois fois supérieur à celui de Hubble avec son miroir de 2,4 mètres.



Complément technique

Le projet Naos

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Sphere

L'optique adaptative extrême

Naos a permis la détection directe de planètes extrasolaires. Fort de cette expérience, l'ONERA est en train de développer un nouveau système d'optique adaptative dans le cadre du projet Sphere (Spectro-Polarimetric for High-contrast Exoplanet Research), en vue d'observer des exoplanètes plus petites et plus proches de leur étoile. Pour atteindre cet objectif, il faut développer un instrument capable de détecter quelques photons venant d'une planète parmi des millions venant de son étoile hôte. A titre de comparaison, il s'agit d'observer depuis Lille une bougie placée à un mètre d’un phare maritime situé à Marseille.

Vue 3D d'une implantation possible de Sphere au foyer Nasmyth d'un des 4 téléscopes du VLT de l'ESO (European Southern Observatory) au Chili

Vue 3D d'une implantation possible de Sphere au foyer Nasmyth d'un des 4 téléscopes du VLT de l'ESO (European Southern Observatory) au Chili

Pousser l'optique adaptative dans ses ultimes retranchements

Sphere revient à pousser l'optique adaptative dans ses ultimes retranchements. C'est pourquoi on parle d'optique adaptative extrême ou XAO. Ce système, bien plus puissant que Naos, mais dédié à une seule application, sera installé sur l’un des quatre télescopes de huit mètres du mont Paranal en 2013.



Ses principales caractéristiques :

  • un miroir déformable à très grand nombre de degrés de liberté, construit par la société Cilas. Il passe de 185 actionneurs pour Naos à 1 370 pour Sphere ;
  • des détecteurs très rapides. On passe de 500 Hz pour Naos à 1 500 Hz ;
  •  des calculateurs temps réel permettant de contrôler l'ensemble du système avec des temps de latence inférieurs à 100 ms.



De plus, le système d'XAO de Sphere intègrera les spécificités qu'imposent le couplage avec des coronographes (élimination des photons venant de l'étoile au profit de ceux venant de l'objet scientifique observé) et des systèmes d’imagerie, de spectroscopie et de polarimétrie avancés de l’instrument.

Processus global de détection d'un exoplanète

S'affranchir des perturbations liées à la turbulence et aux defauts internes du téléscope -> Optique adaptative

S'affranchir des perturbations liées à la turbulence et aux defauts internes du téléscope -> Optique adaptative

Eliminer le flux de l'étoile pour ne laisser passer que celui de la planète -> Coronographe

Eliminer le flux de l'étoile pour ne laisser passer que celui de la planète

-> Coronographe

Utiliser des techniques de traitement d'image sophistiquees pour s'affranchir des derniers defauts dans l'image

Utiliser des techniques de traitement d'image sophistiquees pour s'affranchir des derniers defauts dans l'image

L'ONERA, systémier de l'optique adaptative de Sphere

Le projet Sphere réunit un consortium de 12 laboratoires européens emmenés par le Laboratoire d'astrophysique de l'observatoire de Grenoble. L'ONERA est responsable de l'ensemble du système d'optique adaptative, dont il est le systémier, en ce sens qu'il :

  • dimensionne et spécifie les composants individuels du système dont la réalisation est confiée à des industriels ;
  • teste chaque pièce livrée par les industriels ;
  • intègre l'ensemble dans l'un de ses laboratoires, à Meudon ;
  • teste et valide l'ensemble, en vérifiant en particulier la qualité de l'interfaçage avec le coronographe et la caméra, pour atteindre les performances voulues ;
  • contrôle sur site l'intégration de l'optique adaptative dans le télescope.

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La vision grand champ

L'optique adaptative tomographique

De nombreux programmes astrophysiques requièrent des observations sur un grand champ de vue (jusqu'à plusieurs dizaines de minutes d'arc carrés). Ainsi, l'European Extremely Large Telescope (E-ELT) va bénéficier d'une nouvelle approche, l'optique adaptative tomographique, que l'ONERA a commencé à étudier il y a une dizaine d'année et dont il est un des précurseurs.

HOMER, le banc d'optique adaptative à grand champ de l'ONERA. Utilisé pour valider les nouveaux concepts d'OA (OA multiconjugué, OA tomographique Laser), les nouvelles techniques de mesures de front d'onde et de commande

HOMER, le banc d'optique adaptative à grand champ de l'ONERA. Utilisé pour valider les nouveaux concepts d'OA (OA multiconjugué, OA tomographique Laser), les nouvelles techniques de mesures de front d'onde et de commande

Dépasser les limites de l'optique adaptative classique

L'optique adaptative classique, même poussée dans ses ultimes retranchements, lorsqu'elle devient « extrême » (cf. l'instrument Sphere), fonctionne avec un champ de vision très réduit. Pourquoi ?



1/ Parce le système a besoin d'une étoile guide suffisamment lumineuse pour effectuer ses corrections. L'objet étudié ne fournit en général pas assez de photons pour cela.



2/ Parce que la turbulence est distribuée dans tout un volume, à différentes altitudes. Si bien que les faisceaux issus des différents points du champ ne traversent pas les mêmes zones de turbulence. L'objet observé doit donc être situé dans une direction très proche de l'étoile guide sur laquelle se cale le système d'optique adaptative. Et comme il y a très peu d'étoiles brillantes, le champ de vision de l'optique adaptative est limité à 1 % du ciel.

Avec l'optique adaptative tomographique : observer jusqu'à 90 % du ciel

Tir laser pour pour crééer une étoile laser en haute atmosphère

Tir laser pour pour crééer une étoile laser en haute atmosphère

Une première partie de la solution réside dans la création d'étoiles artificielles au-dessus de la turbulence, dans les hautes couches de l'atmosphère (90 km), en excitant avec un laser les atomes de sodium qui sont présents à cette altitude. En se désexcitant, ces atomes émettent des photons simulant une nouvelle étoile guide. Il devient alors possible de viser dans cette nouvelle direction. Mais la performance reste limité, en particulier pour les très grand télescope, par la géométrie particulière (onde sphérique due à la focalisation à 90 km) du front d'onde mesuré par rapport à celui venant d’un objet supposé à l'infini (onde plane). De plus, la correction ne reste valide que proche de cette étoile laser et n'est donc pas effective pour un grand champ. Pour corriger cet effet, plusieurs lasers sont utilisés et la mesure multi-directionnelle est couplée à une reconstruction volumique (appelée aussi tomographique par analogie avec l'imagerie médicale) de la turbulence. On peut alors extraire de ce volume reconstruit la zone pertinente correspondant au trajet de la lumière provenant de l'objet d'intérêt, et ainsi obtenir l'information nécessaire à sa correction.

Créer des étoiles artificielles par laser pour accéder à tout le ciel

Créer des étoiles artificielles par laser pour accéder à tout le ciel

La seconde partie de la solution consiste à utiliser plusieurs miroirs déformables conjugués à différentes altitudes pour corriger une plus grande partie du volume turbulent : turbulence au sol et turbulence en altitude en particulier. Conjuguer un miroir revient à le placer virtuellement à un endroit du ciel, alors qu'il est physiquement dans le train optique du téléscope. Deux ou trois miroirs sont suffisants, selon les applications.



Au final, avec les étoiles artificielles, la reconstruction tomographique du volume de turbulence et la multiconjugaison des miroirs, le téléscope élargit considérablement sont champ de vision : jusqu'à 90 % du ciel.



L'ONERA a commencé à étudier la physique des phénomènes ouvrant la voie de l’optique adaptative tomographique à la fin des années 90. Au début des années 2000, il a simulé l'ensemble d'un tel système. En 2005-2006, il a testé et validé l'ensemble des concepts en laboratoire, ce qui a donné lieu à la création d'un banc d'essais spécifique : le banc Homer.

 

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L'E-ELT, le futur de l'astronomie

L'ONERA, acteur incontournable de la réussite de l'E-ELT

L'E-ELT est un télescope d'ambition extrême. Son miroir primaire mesurera 42 mètres de diamètre, soit une surface collectrice de 1 200 m2. Quant à son miroir d'optique adaptative, il aura un diamètre de 2,5 mètres (contre 11,5 cm pour le VLT) et comportera 6 000 points d’actionnement (185 pour le VLT et 1 370 pour Sphere). La structure qui portera cette surface réfléchissante et le train optique avoisinera les 5 000 tonnes ! Quant au dôme, ses dimensions seront celles d'un terrain de football à sa base et il atteindra 100 mètres de hauteur ! Avec au final une résolution qui dépassera de 15 fois celle du télescope spatial Hubble.

Le futur télescope géant européen : E-ELT (European Extremely Large Telescope)

Le futur télescope géant européen : E-ELT (European Extremely Large Telescope)

L'optique adaptative indissociable de l'E-ELT

L'OA est indissociable du futur E-ELT car les besoins exprimés par les astronomes requièrent à la fois de disposer d'une vision grand champ et de viser des régions du ciel où il y a très peu d'étoiles guides. Cela pour observer les toutes premières galaxies afin de comprendre comment elles se sont formées. Ce qui revient à remonter le temps jusqu'à quelques centaines de millions d'années après le big bang, c'est-à-dire le premier âge de l'univers.



De plus, la structure colossale du télescope implique que lui-même soit adaptatif. Pour la plupart des systèmes actuels, le miroir d'optique adaptative est placé après le télescope. Avec l'E-ELT, il sera dans son train optique. Ce sera le 4ème miroir. Ce choix permettra de simplifier l'instrumentation placée derrière le télescope, mais aussi, et surtout, de corriger les vibrations de la structure elle-même, qui seront sans commune mesure avec celles du VLT.

L'ONERA au cœur des travaux sur l'optique adaptative de l’E-ELT

Dès l'origine, c'est-à-dire au cours de la phase A du projet, l'ONERA a été au cœur des études et développements visant à démontrer la faisabilité et les performances des concepts d'optique adaptative nécessaires au fonctionnement de l'E-ELT. Outre la spécification du composant clé du télescope qu'est son miroir déformable de 2,5 m, qui sera réalisé par la société Cilas, il a participé à l'étude et la définition de cinq des sept systèmes d'OA envisagés dans le cadre de l'instrumentation du télescope, avec en particulier :

  • La responsabilité de l'étude système de l'optique adaptative de l'instrument EAGLE (spectromètre imageur multi-objet) dont le but est d'étudier et de comprendre la formation et l'évolution des toutes premières galaxies de l'univers.
  • La coresponsabilité (avec une équipe de l'INAF à Bologne) du module d'optique adaptative multiconjuguée MAORY qui doit permettre d'obtenir la limite de diffraction du télescope dans un grand champ de vue.
  • La responsabilité du module d’optique adaptative tomographique Laser ATLAS dont le but est d’obtenir la limite de diffraction du télescope pour plus de 90 % du ciel (alors que l’on est limité à quelques pourcents avec les systèmes actuels).

Représentation 3D du système de ATLAS. Le diamètre de l'instrument fait pres de 4m sur une épaisseur de 70 cm. En vignette sont représentés les concepts d'analyseur pour étoiles naturelles et etoiles laser (l'étude opto-mecanique à été réalisé par I'observatoire de Paris-GEPI).

Représentation 3D du système de ATLAS. Le diamètre de l'instrument fait pres de 4m sur une épaisseur de 70 cm. En vignette sont représentés les concepts d'analyseur pour étoiles naturelles et etoiles laser (l'étude opto-mecanique à été réalisé par I'observatoire de Paris-GEPI).

Ces travaux, réalisés sous contrat avec l'ESO et l'Europe (par l'intermédiaire du 7ième PCRD), ont été fortement soutenus par le Projet CASSIOPEE, interne à l'ONERA et financé sur ses ressources propres, dans le but d'acquérir et valider les connaissances nouvelles nécessaires pour l'E-ELT. CASSIOPEE était un projet de recherche fédérateur, en ce sens qu'il associait plusieurs départements scientifiques de l'ONERA. Et pour cause : l'optique adaptative est par essence pluridisciplinaire. Elle met en œuvre de l'optique, de l'hydrodynamique (physique de la turbulence), des mesures physique (capteurs), du traitement du signal, du traitement de l'information (calcul temps réel), de l'automatique... et, pour l'E-ELT de la dynamique des grandes structures (vibrations du télescope). L'une des spécificités de l'ONERA – centre de recherche pluridisciplinaire réunissant 17 départements scientifiques – est d'avoir des experts dans tous ces domaines.



Aujourd'hui, l'ESO étudie les résultats des études de la phase A. Lorsque les appels d'offres pour construire les premiers systèmes d'OA du télescope seront lancés, l'ONERA sera l'un des acteurs incontournable de ces réalisations, où il aura à jouer un rôle majeur.

Un rôle central au sein de la communauté scientifique

Toute la communauté scientifique européenne est mobilisée pour la réussite du projet E-ELT. Et l'ONERA n'est pas le seul à travailler sur l'optique adaptative. Toutefois, il joue un rôle central dans l'évolution de cette technologie, pour laquelle il a acquis une grande notoriété. C'est lui qui a organisé la première conférence mondiale sur l'optique adaptative, à laquelle ont participé 200 scientifiques du monde entier, tous experts sur le sujet. Cet événement aura une suite : la seconde conférence mondiale de l'optique adaptative, co-organisée avec le Canada, à Victoria (Colombie Britannique).

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Au delà de l'astronomie

Vers un spectre plus varié d'applications de l'optique adaptative

Après les remarquables réussites en astronomie, l'optique adaptative conquiert aujourd'hui d'autres domaines.

Le Contrôle de la focalisation des faisceaux laser

En rendant possible la focalisation très précise de faisceaux laser, l'optique adaptative voit s'ouvrir un large champ d'applications potentielles. Par exemple :

  • Focaliser très précisément un laser sur une cible, en compensant la turbulence atmosphérique, ce qui est un point de passage obligé pour l'utilisation de lasers de grande énergie, à des fins militaires.
  • Mettre au point des procédés industriels nouveaux de soudage ou de découpe par laser. Applicables en premier lieu à la métallurgie, certains de ces procédés pourraient même profiter à des secteurs d'activité très divers.
  • Trouver une alternative aux essais nucléaires est capital pour l'étude de certains phénomènes de physique fondamentale. Aujourd'hui envisagée à cette fin, la fusion thermonucléaire au moyen d'un laser de très forte puissance (dit laser mégajoule), requiert la meilleure focalisation possible des rayons, afin que le rendement soit élevé. Un système d'optique active doit donc compenser les défauts le long du trajet optique.

L'imagerie en milieu turbulent ou turbide, de l'astrophysique à la médecine

En ophtalmologie, l'observation du fond de l'œil pose des problèmes voisins de ceux qu'affronte l'astronome qui observe les étoiles. Il s'agit d'observer de très petits détails à travers un milieu peu propice. En corrigeant les aberrations optiques de l'œil dues à la traversée du cristallin et du corps vitré, l'optique adaptative doit permettre d'observer la rétine avec une très haute résolution. Des progrès très attendus en matière de diagnostic médical, car aujourd'hui la résolution avec laquelle on sait observer le fond de l'œil ne permet de détecter certaines pathologies, qu'à un stade déjà très avancé, donc difficilement guérissable. A la clef donc, l'augmentation considérable des chances de guérison des patients atteints de pathologies rétiniennes, tout en diminuant le coût des soins pour la société.

Imagerie de la rétine avec optique adaptative et traitement du signal De gauche a droite: objet vrai (simulé) – image observée – objet restauré apres traitement

Imagerie de la rétine avec optique adaptative et traitement du signal

De gauche a droite: objet vrai (simulé) – image observée – objet restauré apres traitement

Les télécommunication optique en espace libre

Les télécommunications par faisceau laser dans l'atmosphère permettent des liaisons aisées à sécuriser (faisceau très directif), à haut débit (jusqu'à plusieurs gigabauds) le tout avec une infrastructure peu coûteuse et facile à mettre en œuvre (un module d'émission et un module de réception).



Lorsque la portée devient supérieure au kilomètre, la liaison optique est perturbée par les effets de la turbulence atmosphérique. En moyenne, la divergence du faisceau augmente. De façon instantanée, le faisceau est dévié et subit des fluctuations aléatoires de son profil. Au final, on observe une atténuation de la puissance moyenne reçue et des atténuations instantanées très fortes (fading) pendant lesquelles la transmission est interrompue réduisant le débit de la liaison.



Différentes parades ont été mises en oeuvre : augmentation de la puissance du laser, utilisation de plusieurs faisceaux pour moyenner les fluctuations, utilisation de collecteurs plus grands, développement de codages permettant de gérer le fading. Même combinées, ces solutions ne sont pas suffisantes. Seule l'optique adaptative peut permettre de s’affranchir des effets de la turbulence en mettant en forme le faisceau émis.

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