Moteurs d'avions: les trompettes seront muettes (ou presque)

Pour rendre les avions plus silencieux, les chercheurs de l'ONERA s'attaquent au coeur du problème : les matériaux constitutifs des moteurs. Ils conçoivent et mettent en oeuvre des matériaux poreux silencieux et rigides.

Numéro 1

Et si les riverains d'aéroports obtenaient un jour gain de cause ? Non pas en interdisant aux avions de faire du rase-mottes autour de leur logement, mais parce que les avions seraient enfin devenus beaucoup plus silencieux. C'est à cette rude tâche que se sont attelés des chercheurs de l'ONERA, spécialisés dans les matériaux absorbeurs de bruit pour les moteurs aéronautiques. "Les tuyères, ces conduites par lesquelles les gaz de combustion des avions sont éjectés, sont actuellement comme des trompettes : le souffle y produit des sons". Florin Paun est chef du projet sur ces matériaux à l'ONERA. "Nous souhaitons faire exactement

le contraire : fabriquer une "trompette"dans laquelle on a beau souffler, aucun son ne sort".

Problème : les matériaux de cette tuyère silencieuse doivent posséder simultanément de nombreuses propriétés. Ils doivent bien sûr absorber le bruit, mais aussi être applicables à chaud, et posséder de bonnes propriétés mécaniques pour participer à la résistance de la structure. Or, propriétés acoustiques et tenue mécanique sont généralement incompatibles. L'onde sonore doit en effet pouvoir pénétrer dans les matériaux absorbant le bruit, et nécessite des pores ouverts. Au contraire, les pores doivent rester cloisonnés pour qu'un matériau soit rigide. "Nous avons trouvé une solution pour combiner ces deux aspects", se félicite l'ingénieur de recherche. "Notre idée : fabriquer des sphères vides, dont les parois sont perforées, et que nous empilons comme des oranges sur l'étal de l'épicier". Un bloc de
Un bloc de "mousse métallique" anti-acoustique est constitué  d'un empilement de sphères soudées entre elles ( 3 mm de diamètre).

Mécanique contre acoustique

Cet empilement de sphères peut s'avérer suffisamment solide pour constituer le cour d'une structure sandwich. À condition d'en contrôler parfaitement la composition et l'empilement. "Pour les fabriquer, nous utilisons des billes de polystyrène, sur lesquelles nous effectuons un dépôt métallique. L'alliage métallique que nous avons choisi, est un "superalliage"connu pour sa dureté et sa résistance à la chaleur", explique-t-il. Ces matériaux supportent plus de 1000 °C, ce qui n'est pas de trop pour des structures qui seront introduites au cour des moteurs, en sortie de turbine ou en zone de tuyère subissant une éventuelle flamme de postcombustion. Reste maintenant à souder ces billes creuses métalliques, et à vérifier qu'elles se comportent comme les simulations informatiques développées par l'équipe de l'ONERA le prévoient.

Mais les moteurs silencieux ne sont pas les seules applications envisagées pour ces billes métalliques, décidément très utiles. "Elles sont également très efficaces pour absorber les chocs, et pourraient remplacer les structures en nid d'abeille dans les panneaux absorbeurs d'impacts", prévoit-il. Les nombreux chocs d'oiseaux, endommageant parfois des structures d'avion, causeraient ainsi moins de dégâts. "Nous envisageons aussi d'utiliser ces matériaux dans des boucliers pare flamme, destinée à empêcher la flamme de pénétrer au niveau des réservoirs situés dans les ailes pendant deux minutes, en cas d'explosion du moteur. Leur excellente tenue à la chaleur s'y prête particulièrement bien", envisage-t-il. Ce ne sont donc pas les débouchés qui feront défaut à ces matériaux. Ni le travail qui manquera à Florin Paun et à son équipe.
 
 Maillage d'une cellule représentative pour le calcul du comportement mécanique du matériau
Maillage d'une cellule représentative pour le calcul du comportement mécanique du matériau
Le maillage de la zone du fluide entourant les sphères pour le calcul du comportement acoustique d'une cellule représentative du matériau
Le maillage de la zone du fluide entourant les sphères pour le calcul du comportement acoustique d'une cellule représentative du matériau

 

Cécile Michaut, journaliste scientifique.

 

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