Laboratoire

Nitrure de bore : des nanotubes très prometteurs

Le Laboratoire d'Etudes des Microstructures est le seul au monde à savoir synthétiser les nanotubes de nitrure de bore monofeuillet aux propriétés optiques particulièrement intéressantes. 

La découverte en 1991 des nanotubes de carbone par le chercheur japonais Sumio Iijima a conduit aussitôt de nombreuses équipes de recherche dans le monde à s'intéresser à ces surprenantes structures. Laboratoire commun CNRS/Onera, le LEM (Laboratoire d'Etudes des Microstructures) fait figure de pionnier dans ce domaine. Directeur de recherche à l'Onera et coordinatrice pour le CNRS depuis six ans du Groupement de Recherche (GDR) " Nanotubes ", devenu une structure européenne depuis 2004, Annick Loiseau y mène des recherches fondamentales en s'appuyant en particulier sur la microscopie électronique. Ces recherches l'ont amenée à monter en 1998 à l'Onera et à coordonner un programme de recherche fédérateur qui a réuni en une équipe des ingénieurs et des chercheurs de différents départements, le LEM, DMPH (Département Mesures PHysiques) et DMSC (Département des Matériaux et Systèmes Composites). En 2001, son équipe a réalisé une " première mondiale " en synthétisant des nanotubes de nitrure de bore monofeuillet dont les propriétés optiques, qui font actuellement l'objet de travaux très importants, permettent d'envisager à plus ou moins long terme de nombreuses applications.

Vue d'ensemble en microscopie électronique à bas grandissement des nanotubes de nitrure de bore (cliché R. Arenal, LEM)
Vue d'ensemble en microscopie électronique à bas grandissement
des nanotubes de nitrure de bore
(cliché R. Arenal, LEM)

C'est à la suite d'une expérience visant à produire des fullerènes, ces molécules formées de soixante atomes de carbone disposés en forme de cage ce qui les fait ressembler à des ballons de football, qu'ont été découverts les nanotubes de carbone. Dès l'année suivante, deux chercheurs de NEC Corporation mettaient au point non seulement une méthode permettant de produire ces nanotubes avec un rendement plus élevé mais également une façon de les purifier. A l'annonce de leur découverte, nombreux sont les chercheurs qui travaillaient alors sur les fullerènes qui se tournèrent vers ces surprenantes structures. Mécaniquement parlant, les nanotubes sont en effet à la fois plus résistants que les fibres de carbone ou l'acier et extrêmement souples. Selon la force qu'on leur applique, ils se plient, se déplient, changent de configuration mais ne se brisent pas. Du fait de leur taille et de leurs propriétés électroniques, comme l'ont démontré notamment des équipes de recherche de l'Université de Delft aux Pays-Bas et chez IBM aux Etats-Unis dès 1998, ils semblent représenter également un matériau d'avenir pour l'électronique. Par conséquent, les nanotubes de carbone ont permis d'ouvrir un nouveau chapitre de la science des matériaux.

C'est à la suite d'une expérience visant à produire des fullerènes, ces molécules formées de soixante atomes de carbone disposés en forme de cage ce qui les fait ressembler à des ballons de football, qu'ont été découverts les nanotubes de carbone. Dès l'année suivante, deux chercheurs de NEC Corporation mettaient au point non seulement une méthode permettant de produire ces nanotubes avec un rendement plus élevé mais également une façon de les purifier. A l'annonce de leur découverte, nombreux sont les chercheurs qui travaillaient alors sur les fullerènes qui se tournèrent vers ces surprenantes structures. Mécaniquement parlant, les nanotubes sont en effet à la fois plus résistants que les fibres de carbone ou l'acier et extrêmement souples. Selon la force qu'on leur applique, ils se plient, se déplient, changent de configuration mais ne se brisent pas. Du fait de leur taille et de leurs propriétés électroniques, comme l'ont démontré notamment des équipes de recherche de l'Université de Delft aux Pays-Bas et chez IBM aux Etats-Unis dès 1998, ils semblent représenter également un matériau d'avenir pour l'électronique. Par conséquent, les nanotubes de carbone ont permis d'ouvrir un nouveau chapitre de la science des matériaux.

Synthèse de nanotubes de nitrure de bore monofeuillet : une étape capitale

Après la découverte des nanotubes de carbone s'est posé très rapidement le problème de leur caractérisation. Disposant de compétences et de matériel notamment dans le domaine de la microscopie électronique, l'équipe d'Annick Loiseau a donc noué des contacts avec différents groupes de recherche travaillant sur les nanotubes de carbone, tant en France qu'à l'étranger. Un certain nombre de collaborations ont été engagées avec le Groupe de Dynamique des Phases Condensées de Montpellier, et deux autres équipes, l'une du CEA à Saclay, l'autre du CNRS à Orsay. Au cours de la deuxième moitié des années 90, des études novatrices ont été réalisées non seulement sur les nanotubes de carbone mais aussi sur les nanotubes de nitrure de bore. Après la découverte des nanotubes de carbone, les chercheurs se sont en effet posés la question de savoir s'il était possible de fabriquer des nanotubes à partir d'autres éléments chimiques comme le nitrure de bore ou encore le sulfure de molybdène ou le sulfure de tungstène.

Dès 1994, des équipes espagnoles, belges et françaises avaient prédit par le calcul qu'il était possible de synthétiser ce type de nanotubes de nitrure de bore. Deux ans plus tard, dans le cadre d'une collaboration avec un laboratoire de l'Ecole Polytechnique et le CEA de Saclay, l'équipe d'Annick Loiseau identifiait les premiers nanotubes de nitrure de bore purs. " Il s'agissait de nanotubes multifeuillets, emboîtés les uns dans les autres que nous avons étudiés afin de déterminer leur structure et leur composition chimique ", précise-t-elle. Les résultats de ces travaux sont alors publiés dans Physical Review Letters . Par la suite, l'Onera va lancer un Projet de Recherche Fédérateur (PRF) visant à développer des études dans ce domaine. " A cette occasion, nous avons mis au point une méthode de synthèse qui a nous permis en 2001 d'être à nouveau les premiers à synthétiser des nanotubes de nitrure de bore monofeuillet. Il s'agissait d'une étape capitale ", se rappelle-t-elle. Les différents feuillets interagissant entre eux, travailler sur des multifeuillets ne permet pas de mesurer simplement les propriétés fondamentales de nanotubes et peut conduire à des résultats erronés.

Image en microscopie électronique de haute résolution d'un nanotube multifeuillet de nitrure de bore (à gauche) et d'un ensemble de nanotubes monofeuillet de nitrure de bore (à droite)
Image en microscopie électronique de haute résolution
d'un nanotube multifeuillet de nitrure de bore (à gauche)
et d'un ensemble de nanotubes monofeuillet de nitrure de bore (à droite)

Un nouveau champ de recherche extrêmement important

Aujourd'hui encore, la méthode de synthèse développée à l'Onera, au DMSC, est la seule au monde qui permette d'obtenir des nanotubes de nitrure de bore monofeuillet. Grâce à celle-ci, les chercheurs du LEM et de DMPH ont pu commencer à étudier les propriétés de ces structures dont la communauté scientifique ne savait quasiment rien. Dans ce contexte, l'Onera a déposé un projet soutenu par le Ministère de la Recherche afin d'étudier les propriétés de ces nanotubes de nitrure de bore et, surtout, vérifier que ceux-ci étaient semi-conducteurs et présentaient des propriétés optiques quasiment invariantes dans une gamme d'énergie différente de celle des nanotubes de carbone. Précisons que selon l'orientation des hexagones dont ils sont constitués, les nanotubes de carbone présentent un caractère soit métallique, soit semi-conducteur. Qui plus est, ces deux formes sont mélangées dans le réacteur de synthèse qui contient généralement 2/3 de nanotubes semi-conducteurs pour 1/3 de nanotubes métalliques. Qu'à cela ne tienne, plusieurs équipes, notamment en France dans le cadre du Groupement de Recherche Européen (GDRE), ont relevé le défi en recherchant des méthodes qui permettront dans un proche avenir de les séparer efficacement et rapidement.

En étudiant les propriétés optiques des nanotubes de nitrure de bore, l'idée des chercheurs de l'Onera est de tirer parti de leur gap électronique, qui se situe dans l'ultraviolet, un domaine où les scientifiques manquent de sources et de détecteurs. Rappelons que dans leur jargon, les scientifiques parlent de " gap ", grand ou petit, qui correspond à la distance énergétique séparant les bandes de conduction et de valence et dont la valeur détermine la plus ou moins bonne conductivité du matériau. Ainsi, plus le gap est faible - on parle alors de " petit gap " - plus le matériau est conducteur. Les nanotubes de carbone, quand ils sont semi-conducteurs, présentent un " gap ", assez proche de celui du germanium ou du silicium, les matériaux qui sont utilisés depuis la fabrication du premier transistor. Certes, les propriétés optiques des nanotubes de carbone sont intéressantes, mais ces derniers sont confrontés à de sérieux concurrents comme l'arséniure de gallium. En revanche, dans le domaine couvert par les nanotubes de nitrure de bore, la concurrence est rare. " Nous ouvrons là un champ de recherches extrêmement important qui devrait déboucher à plus ou moins long terme sur de multiples applications dans le domaine de la détection, par exemple des biotoxiques ou des départs de missiles. Autant d'applications qui sont au coeur des métiers de l'Onera ", souligne Emmanuel Rosencher†, Directeur scientifique de la Branche Physique de l'Onera.

Un mode de fonctionnement pluridisciplinaire

Plus généralement, l'ensemble de ces travaux, dont les derniers résultats viennent tout juste d'être publiés dans Physical Review Letters, illustrent parfaitement le mode de fonctionnement pluridisciplinaire de l'Onera. Car si une dizaine de chercheurs, cinq à sept doctorants ou post-doc et plusieurs stagiaires sont impliqués dans ces recherches, ceux-ci disposent de l'ensemble des compétences et des moyens de l'Onera. " Le réacteur de synthèse que nous utilisons a été conçu en collaboration avec des spécialistes " maisons " des lasers, des plasmas et de l'aérodynamique. En outre, pour observer le processus de synthèse à l'intérieur du réacteur, nous disposons de tout l'arsenal de diagnostics optiques utilisés habituellement pour étudier les plasmas et les atmosphères dans les conditions extrêmes. Dans le monde, rares sont les laboratoires qui peuvent réunir autant de spécialistes de domaines différents et de moyens ", conclut Annick Loiseau.

Aspect du produit de synthèse des nanotubes monofeuillet de nitrure de bore à la sortie du réacteur Onera sous forme de masse filamentaire gris bleu Cliché J.-L. Cochon (DMSC)
Aspect du produit de synthèse des nanotubes monofeuillet de nitrure de bore
à la sortie du réacteur Onera sous forme de masse filamentaire gris bleu
Cliché J.-L. Cochon (DMSC)

 

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