De l'essaimage ONERA au marché mondial de l'optronique

Lorsqu'il était ingénieur-chercheur en optique à l'ONERA, Didier Rabaud a eu l'opportunité de participer au projet NAOS pour le Very Large Telescope du Chili. Suite à ce succés, il a décidé de créer sa propre PME au service des entreprises dans le domaine des nouvelles technologies de l'optronique. Née en 2001, Shaktiware a su développer et diversifier ses activités sans jamais rompre les liens avec l'ONERA. Tour d'horizon d'un partenariat fructueux.

L'interview

Comment Shaktiware a-t-elle vu le jour ?

Didier Rabaud : Je faisais partie de l'équipe Imagerie haute définition de l'ONERA depuis un an quand je suis entré en contact avec l'entreprise Shakti, sous-traitant sur le projet du système d'optique adaptative NAOS pour les grands téléscopes du Chili, dont l'ONERA était maître d'oeuvre.

Dans les années 2000, les conditions dans le domaine de l'électronique étaient propices et l'ONERA accueillait déjà favorablement l'essaimage et le lancement de start-ups.

Je me suis rallié à la branche optronique de Shakti et nous avons créé, avec son PDG Frédéric Chazallet, l'entreprise Shaktiware.

Un judicieux partage de nos compétences nous a permis de maîtriser toutes les technologies dont nous avions besoin pour nous développer : optique et optronique pour Shakti, informatique en temps réel de mon côté.

Ce pooling de compétences de haut niveau nous a en effet permis de compenser notre faible effectif et de souffler des marchés à des groupes pourtant beaucoup plus gros et déjà bien installés ! Par exemple, à l'occasion de l'appel d'offre d'Eurotunnel pour l'installation de lecteurs automatiques de plaques minéralogiques, nous sommes arrivés devant des sociétés de haute technologie de rang mondial et devant les Anglais qui avaient remporté un marché similaire pour la ville de Londres.

Comment s'explique la réussite de Shaktiware ?

DR : Après un début de croissance avec l'ONERA dans le relatif cocon de grands projets d'optique adaptative, nous avons su nous diversifier dans des domaines innovants et porteurs : lecture de plaques minéralogiques, télécommunications lasers et avons désormais une autonomie assez importante dans nos démarches.

Cette réussite comporte certainement une part de chance, mais repose aussi sur l'écoute des besoins du marché et un bon bouche à oreille entre les clients, ainsi que bien sûr la construction d'une offre commerciale. Notre réussite repose également sur un apprentissage solide, qui fait appel à la fois au métier d'ingénieur et à la rigueur de l'approche scientifique.

Parallèlement, nous continuons aussi à remporter de gros appels d'offres de l'ESO (European Southern Observatory), notamment pour la réalisation des amplificateurs équipant les optiques adaptatives de future génération pour les grands téléscopes. Dans ce parcours, la confiance de partenaires scientifiques prestigieux comme l'ONERA, l'Institut Fresnel ou l'Ifremer a été déterminante.

Qu'apporte votre partenariat avec l'ONERA ?

DR : Les téléscopes et l'optique adaptative ont forgé nos liens avec l'ONERA. Ces liens continuent de se développer : prolonger notre partenariat sur nos projets de communication optique nous a semblé naturel, et, lorsque nous avons obtenu un fonds européen (Eurostars) en 2008, nous avons choisi de financer la R&D de notre projet dans les laboratoires de l'ONERA (thèse de Noah Schwartz : Précompensation des effets de la turbulence atmosphérique par optique adaptative – application aux liaisons optiques en espace libre). L'activité de l'ONERA sur les grands téléscopes et sur la propagation laser offrait un cadre d'excellence à la recherche de ce jeune chercheur. L'apport scientifique de l'ONERA est déterminant pour notre développement.

Par la suite, l'ONERA a également beaucoup contribué à la conception optique elle-même. Ce partenariat nous a ainsi permis de surmonter les difficultés rencontrées dans l'élaboration du projet Fortune 43G (transmission optique en espace libre).

Mais si nous nous appuyons parfois sur la recherche en amont de l'ONERA, celui-ci vient aussi nous chercher dans le cadre de ses activités de recherche : lorsqu'une activité se révèle difficilement soutenable en interne, l'ONERA l'externalise chez nous.

Shaktiware développe par exemple des calculateurs en temps réel (processus dédiés, software : matériel et logiciel dédié) sur la base de contrats de maintenance annuels. Ces contrats permettent à l'ONERA de réduire significativement ses dépenses dans ce domaine. Ainsi, Shaktiware trouve et développe de nouvelles applications que nous proposons ensuite à l'ONERA et qui leur ouvrent de nouveaux horizons, notamment dans le domaine civil...

Compléments techniques

L'ONERA et Shaktiware : un partenariat gagnant-gagnant

Collaborer avec Shaktiware, comme le fait l'ONERA, permet d'externaliser nombre d'activités, mais aussi de réduire les coûts de façon non négligeable.

En effet, le calcul en temps réel est une activité difficilement soutenable en interne, au niveau technique comme financier. Didier Rabaud, qui a développé une compétence de très haut niveau dans ce domaine, met aujourd'hui cette compétence au service de l'ONERA en tant que sous-traitant. Shaktiware développe ainsi le software des calculateurs en temps réel au travers de contrats de maintenance annuels, qui sont avantageux à tous points de vue pour l'ONERA.

De son côté, Shaktiware jouit d'une autonomie propre, comme toutes les PME et mutualise ses compétences, ce qui lui permet de multiplier ses contrats et d'élargir son champ d'action. Enfin, son partenariat avec l'ONERA lui donne accés à une recherche en amont de qualité.

Fortune 43G

Technologie de transmission optique en espace libre (Débit gigabit sur une distance de 10 km)
     
Marché cible : Opérateurs téléphoniques 3G
     
Classement projet au niveau européen : dans les 15 premiers sur 186 projets
     
Fortune 43G vise à développer de nouvelles techniques de communication haut débit par laser pour les télécoms.

Shaktiware propose une technologie de transmission en espace libre (Free Space Optique, ou FSO) permettant une communication haut débit (Gbits) sur une distance typique de 10 km. Cette extension de la FSO sur de longues distances permet de diffuser cette technologie dans les réseaux sans fil, et de déployer la Boucle Locale Alternative (BLA) ainsi que des infrastructures de téléphonie mobile.

Grâce au laser, la communication bénéficie d'un plus haut débit et d'une sécurité accrue par rapport aux connexions wifi « traditionnelles ». Les infrastructures sont aussi plus légères, puisque la transmission se fait par la voie des airs.

En revanche, les habituels problèmes de perturbations atmosphériques se voient amplifiés par la distance et la direction horizontale des lasers. Il faut donc réajuster la visée à l'aide de miroirs capables de se déformer – les miroirs adaptatifs – pour compenser les effets optiques des turbulences sur les lasers.

Actuellement en phase d’expérimentation de laboratoire et de qualification, Fortune 43G devrait être commercialisé en 2011.

 

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