La traque des polluants à la source

La réduction des pollutions atmosphériques est l'un des grands domaines de recherche couverts par l'Onéra. Elle reste une gageure pour les constructeurs des moteurs. Il leur faut trouver le meilleur compromis entre la diminution des émissions toxiques, l'augmentation du rendement et la sécurité des avions. Sans gonfler démesurément les coûts.

Numéro 12

La réduction des pollutions atmosphériques est l'un des grands domaines de recherche couverts par l'Onéra. Elle reste une gageure pour les constructeurs des moteurs. Il leur faut trouver le meilleur compromis entre la diminution des émissions toxiques, l'augmentation du rendement et la sécurité des avions. Sans gonfler démesurément les coûts.

 
Dans les prochaines années, les contrats de vente d'avions ne se gagneront plus uniquement sur les performances techniques des appareils, mais aussi sur leurs caractéristiques environnementales. Les niveaux sonores sont un facteur crucial pour le choix des appareils, et les avions trop bruyants sont impitoyablement écartés des aéroports. De même, la pollution atmosphérique va-t-elle devenir un enjeu essentiel.

En effet, les émissions du secteur aéronautique sont loin d'être négligeables, et les motoristes vont être soumis à des normes antipollution de plus en plus sévères. D'où de nombreuses études pour tenter de maîtriser les émissions polluantes. Le fonctionnement d'un moteur est très complexe. Une combustion idéale ne produirait que du dioxyde de carbone (CO2) et de l'eau (H2O), mais ce n'est bien sûr jamais le cas. Le monoxyde de carbone (CO), que l'on trouve lorsque la combustion est incomplète, est le mieux maîtrisé. Sa présence dépend du régime de fonctionnement des moteurs, mais un bon mélange de carburant permet de limiter sa formation. En revanche, les oxydes d'azote (NO2, NO et N2O) créent de gros soucis aux constructeurs. Ces oxydes participent à la fois à la pollution locale (NO2 est toxique pour l'homme et provoque des pluies acides) et à la pollution globale, à cause de leur rôle dans la formation de l'ozone. Celui-ci, utile dans la haute atmosphère pour filtrer les rayons solaires, a des effets nocifs pour la respiration et participe à l'augmentation de l'effet de serre lorsqu'il est présent à plus basse altitude. Ces oxydes se forment à pression et température élevées. Or, ces conditions sont les meilleures pour augmenter le rendement du moteur, permettant d'utiliser le moins de carburant possible. une situation quasiment insoluble. " Les oxydes d'azote sont le seul polluant qu'on n'arrive pas à réduire actuellement ", regrette Francis Dupoirieux, maître de recherche à l'Onéra.

L'augmentation des pressions dans les moteurs étant inéluctable, il faut jouer sur le mélange carburant/air pour tenter de réduire les oxydes d'azote. " Ceux-ci se forment lorsqu'il y a juste la quantité d'air nécessaire à la combustion. Si l'on ajoute d'avantage d'air, on forme un mélange dit "pauvre" peu favorable à la formation des oxydes d'azote ", explique le scientifique. Malheureusement, la combustion est alors moins stable, et il existe des risques d'extinction et, de plus, il peut être difficile d'obtenir le réallumage. " Nous devons donc bien mélanger le carburant et l'air avant de les envoyer dans la chambre de combustion. Mais ce pré-mélange est dangereux en cas de remontée de flamme  ".

Il importe donc de concevoir des chambres de combustion avec une architecture différente pour accroître la sécurité. " Les modélisations deviennent alors très utiles, car elles évitent des expériences coûteuses. Nous reproduisons par calcul les limites de stabilité des mélanges selon les architectures des moteurs, et nous tentons de voir si nous parvenons à réduire ainsi les oxydes d'azote ", précise Francis Dupoirieux. " Dans trois à quatre ans, nous aurons les outils numériques pour juger si les nouvelles architectures de moteurs sont efficaces à la diminution des rejets. Mais leur point faible reste la sécurité, et seuls les constructeurs pourront réellement décider si ces moteurs sont suffisamment sûrs pour être installés sur des avions. En cas de succès, ils pourraient apparaître dans cinq à dix ans sur les appareils commerciaux. " copyright © SNECMA Chambre de combustion d'un moteur aéronautique
copyright © SNECMA
Chambre de combustion d'un moteur aéronautique

 

Une autre préoccupation des motoristes concerne les suies, qui sont les particules de carbone imbrûlées. Elles participent à la pollution locale autour des aéroports mais leur rôle vis-à-vis du changement climatique reste controversé, car elles ont à la fois une action de réchauffement et de refroidissement. Ces petites particules participent à la formation des cristaux de glace en sortie du réacteur : ils forment le premier "noyau" autour duquel la glace s'agrège. Les suies se forment surtout dans les zones du moteur riches en carburant qui servent à stabiliser la combustion. Avant de pouvoir les réduire, il importe de bien comprendre leur formation. " Or, la modélisation des suies est particulièrement difficile, car plusieurs phases coexistent (solide, gaz) et de nombreuses espèces intermédiaires se forment lors de la combustion ", note Francis Dupoirieux. L'Onéra travaille sur ce sujet au sein d'un programme européen baptisé SIA (soots in aeronautics, ou suies dans l'aéronautique), au sein duquel sont menées des expériences de combustion et testés des modèles pour mieux comprendre cette chimie complexe.

Visualisation par LII (Laser Induced Incandescence) de la fraction volumique de suie dans une flamme de diffusion turbulente
Visualisation par LII (Laser Induced Incandescence)
de la fraction volumique de suie dans une flamme de diffusion turbulente

 

Cécile Michaut, journaliste scientifique.

 

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