Le choix de la technologie des lasers à fibre

Créé il y a dix ans, le laboratoire Sources Laser et Systèmes Lidars cohérents figure aujourd'hui dans le peloton de tête des laboratoires français travaillant dans ce domaine. 

SLS (Sources Laser et Systèmes Lidars cohérents) est l'une des dix unités que compte le plus grand département de l'Onera, le DOTA (Département d'Optique Théorique et Appliquée). Dirigée par Claudine Besson, SLS regroupe une quinzaine de personnes, dont une douzaine d'ingénieurs qui travaillent à la fois dans le cadre de programmes militaires et civils. Il y a dix ans, cette unité a fait le choix de miser sur la technologie innovante des lasers à fibre, un choix qui s'est avéré judicieux puisque de nombreuses applications en font aujourd'hui le bénéfice.

Au sein de cette unité basée à Palaiseau, les activités militaires représentent 75 à 80% des programmes en cours, un pourcentage un peu moins élevé comparé à la moyenne du DOTA qui se situe entre 85 et 90%. Globalement, les équipes de SLS sont engagées dans différents développements concernant à la fois l'identification de cibles à grande distance à l'aide de systèmes laser et ce que les militaires appellent la "guerre optronique", c'est-à-dire les applications de brouillage, de leurrage et de destruction à distance. Les chercheurs de cette unité travaillent également au développement de lidars dans le cadre d'applications militaires que sont la télémétrie, la vélocimétrie de cible et la vibrométrie laser.

Consistant à identifier des cibles situées à grande distance via leur spectre de vibration, la vibrométrie laser connaît aujourd'hui un développement important qui devrait aboutir à des applications industrielles au cours des prochaines années. Les chercheurs de l'unité SLS sont partis de l'hypothèse selon laquelle chaque aéronef présente des fréquences propres de vibration qui sont liées à sa rigidité et à sa géométrie. Avec leurs collègues du Département Dynamique des Structures et des Systèmes couplés (DDSS), ils ont démontré que deux avions différents présentaient des signatures vibratoires différentes et identifiables. "Il est donc possible de mesurer le micro-doppler qui correspond à une vitesse de quelques microns par seconde à plusieurs kilomètres de distance à l'aide d'un système de lidar cohérent. Il reste alors à démoduler le signal et à en extraire un spectre de vibration puis à la comparer à une base de données", résume Jean-Pierre Cariou, Ingénieur de recherche, Chargé de Mission Systèmes Laser auprès du directeur du DOTA.

Banc fibré de vibrométrie laser
Banc fibré de vibrométrie laser

Un choix technologique effectué dès 1995

Du côté des activités civiles, cette équipe de Palaiseau s'intéresse principalement à l'anémométrie laser afin de mesurer la vitesse d'un champ de vent à distance. Depuis une dizaine d'années, ces chercheurs travaillent sur la détection et la caractérisation des tourbillons de sillage qui représentent un danger potentiel pour les avions et les hélicoptères en vol. Ces travaux ont été menés en collaboration avec d'autres départements de l'Onera afin de modéliser et de mesurer ces tourbillons, mais également dans le cadre de plusieurs projets européens comme C-Wake ou Awiator. "A cette occasion, nous avons développé des lidars pour mesurer et caractériser ces tourbillons, soit sur de vrais avions, soit sur des maquettes au banc de catapultage B20 de Lille", explique Jean-Pierre Cariou. Cependant, la technologie disponible en 1995, basée sur l'utilisation de laser CO2 à 10,6 microns, était relativement lourde et difficile à mettre en oeuvre en raison notamment de la cryogénie des détecteurs.

Dans ce contexte, l'équipe a alors décidé d'opter pour l'utilisation des lasers à fibre, une technologie particulièrement innovante issue des recherches dans le domaine des télécommunications. "Nous avons profité des efforts de recherche très importants réalisés dans ce domaine pour utiliser ces sources pour nos applications militaires et aérospatiales", rappelle-t-on à Palaiseau. Résultat : cette unité dispose à ce jour d'une certaine avance dans la technologie laser à fibre dopé Erbium à 1,5 micron. Dernière innovation en date dans le domaine de l'étude du sillage des aéronefs, une petite mallette très compacte qui renferme un lidar fibré à 1,5 micron. "Dans le cadre d'une étude d'optimisation de formes d'aile d'avion, cet appareil a été utilisé récemment pour la première fois sur une maquette au laboratoire B20 de Lille afin de mesurer les tourbillons de sillage", indique Béatrice Augère, ingénieur de recherche au sein de l'unité SLS.

Mini-lidar 1.5µm pour la mesure des tourbillons de sillage au B20 de Lille
Mini-lidar 1.5µm pour la mesure des tourbillons de sillage au B20 de Lille

De Dalhec à Dalas

Cette technologie des lasers fibrés à 1,5 micron peut être embarquée également à bord d'un avion pour mesurer la vitesse d'un aéronef par rapport à la masse d'air. "Nous utilisons alors les aérosols naturels présents dans l'atmosphère comme traceurs du vent et nous mesurons la vitesse relative entre l'aéronef et le champ de vent. C'est ce que les spécialistes appellent la TAS (True Air Speed)", explique Béatrice Augère. Dès 2003, dans le cadre d'une première étude d'anémométrie embarquée financée par la Direction des Programmes Aéronautiques Civils (DPAC), l'équipe de Palaiseau a conçu un démonstrateur d'anémomètre laser pour hélicoptère civil baptisé Dalhec en collaboration avec Thales Avionics. Rappelons que pour connaître leur vitesse, les hélicoptères sont équipés aujourd'hui de sondes pneumatiques qui, à basse vitesse, sont perturbées par le flux du rotor. D'où l'idée d'utiliser l'anémométrie laser à 1,5 micron, une technique puissante qui permet d'effectuer une mesure de vitesse absolue, qui plus est à distance et de manière non intrusive. Testé à bord d'un hélicoptère au Centre d'Essais en Vol (CEV) d'Istres, le démonstrateur Dalhec a permis d'obtenir une mesure absolue 3 axes dans tout le domaine de vol de l'appareil.

Anémomètre Dalhec sur hélicoptère Dauphin
Anémomètre Dalhec sur hélicoptère Dauphin

Courant 2004, dans le cadre du Programme d'Etude Amont (PEA) "Nouveaux concepts pour l'anémométrie embarquée sur les aéronefs militaires" de la DGA, les ingénieurs de l'unité SLS ont développé avec Thales Avionics et Dassault Aviation, à partir du travail réalisé pour Dalhec une nouvelle sonde baptisée Dalas (Démonstrateur d'Anémomètre Laser pour Avion Subsonique) afin d'effectuer une mesure de vitesse à bord d'un avion à haute altitude. Des simulations réalisées par Jean-Pierre Cariou ont permis de définir la sonde Dalas. Embarquée à bord d'un Mystere 20 du CEV, elle a effectué vingt vols entre décembre 2004 et mars 2005, ceci dans des situations différentes, l'avion ayant survolé aussi bien des zones maritimes que des zones de montagnes ou des plaines, que ce soit le matin ou le soir, de jour comme de nuit. "Si Dalas a permis de démontrer la faisabilité de la mesure, il est nécessaire que d'autres études soient menées pour parvenir à un concept adapté à un prototype pouvant être industrialisé afin d'équiper à plus ou moins long terme les avions de transports civils", précise Béatrice Augère, responsable de l'étude.

Anémomètre Dalas sur Mystère20
Anémomètre Dalas sur Mystère20

Ce type de technique pourrait équiper les avions de ligne comme système complémentaire des sondes pneumatiques classiques. "On pourrait  disposer d'instruments de mesure reposant sur des principes physiques différents. Ainsi on augmente la fiabilité globale de la mesure", note Jean-Pierre Cariou. Plus généralement, la faisabilité de tels systèmes ayant été démontrée par les ingénieurs de SLS, il reste à faire un bilan économique. Il est certain que l'utilisation de ce type de sonde optique à bord des avions et des hélicoptères nécessitera encore du temps, à la fois pour faire évoluer les réglementations et modifier le comportement des utilisateurs qui, souvent par ignorance, ont des a priori, en particulier quand il s'agit de laser.

Un millijoule à 1,5 micron à l'horizon 2007

Toujours dans un cadre européen, l'unité de Claudine Besson participe à un projet européen, Fidelio, qui rassemble des partenaires allemands, belges, portugais, israéliens et français. Lancé en décembre 2004, il vise à développer un lidar bâti sur une source fibrée impulsionnelle à haute cadence capable de délivrer un milli-joule à 1,5 micron. "Ce projet a été construit sur deux thèses menées au sein du DOTA, celle de Guillaume Canat, ingénieur de recherche depuis janvier 2005, pour les sources, et de Mathieu Valla pour le lidar. La maîtrise d'oeuvre de la partie lidar a été confiée à l'Onera, et nous sommes aussi partie prenante dans le développement de la source. L'objectif est de présenter un démonstrateur avionable fin 2007", conclut Agnès Dolfi, responsable du projet.

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