Une équipe intégrée pour faire progresser la recherche sur les nanotechnologies

Le Laboratoire de Photonique et de Nanostructures (CNRS/LPN), et l'ONERA/DOTA (optique), unissent leurs forces, leurs connaissances et leurs équipes autour de la recherche sur la nanophotonique et ses applications.

La salle blanche du LPN où sont fabriquées les nanostructures pour les recherches de l'équipe Onera-LPN

La salle blanche du LPN où sont fabriquées les nanostructures pour les

recherches de l'équipe Onera-LPN

Depuis 2005, le CNRS, via son Laboratoire de Photonique et de Nanostructures (LPN), et l'ONERA, au travers d'une partie de l'équipe Conception Innovation en Optique (CIO) du Département d'optique théorique et appliquée, unissent leurs forces, leurs connaissances et leurs équipes autour de la recherche sur la nanophotonique et ses applications.



Les détails de cette démarche originale, qui permet de faire mûrir de nouvelles technologies innovantes, avec Riad Haidar, chercheur à l'ONERA (Palaiseau), et Jean-Luc Pelouard, responsable du groupe « Physique des dipositifs » au CNRS/LPN (Marcoussis).

L'interview

Comment est née l'idée de ce partenariat en 2005 ? Et quel est son objectif ?



Riad Haidar : L'idée de ce rapprochement était simple : trouver un périmètre commun à nos deux entités, qui nous permette de mutualiser nos compétences sur un sujet très important et sur lequel nous travaillions tous deux à des degrés divers, la nanophotonique et ses applications.



Tout de suite, nous avons souhaité donner à ce partenariat à la fois un but bien précis – faire mûrir au plus vite de nouvelles technologies – et une démarche originale dans le monde scientifique français – alimenter notre réflexion commune par les demandes du coté applicatif (par exemple la détection de gaz polluants, le traçage d'une activité humaine sur une scène...) et par les possibilités nouvelles offertes par les progrès de la connaissance et des technologies (par exemple nano-résonateurs optiques sub-longueur d'onde). Une mosaïque de filtres métalliques nanostructurés a ainsi été une de nos premières réalisations pour l'imagerie infrarouge multispectrale (Cf. encadré Vitrail).

Détail de la mosaïque de filtres de la caméra infrarouge du projet Vitrail

Détail de la mosaïque de filtres de la caméra infrarouge du projet Vitrail

Jean-Luc Pelouard : Cette collaboration avait dès son origine pour but d'accompagner le plus efficacement possible, en créant une véritable équipe intégrée ONERA-LPN, le mouvement de fond que constituait et constitue toujours aujourd'hui ce sujet de recherche. Avec, comme le disait Riad, un principe intangible : tracer dès le début de l'étude, l'ensemble de la chaine de développement pour prévoir que le même objet high-tech servira aux démonstrations des effets physiques avant d'être intégré dans un système complexe (par exemple une caméra infrarouge) pour la démonstration de son potentiel applicatif. Le gain de temps est alors considérable.



Comment cette équipe LPN-ONERA travaille-t-elle au quotidien ?



JLP : Tout d'abord, nous disposons d'un environnement unique, de deux laboratoires dotés de moyens rares dans un domaine de pointe (la nanophotonique et l'optique), en pleine expansion, et sur lequel les scientifiques planchent seulement depuis un peu plus de dix ans ! Ces moyens importants et indispensables pour avancer rapidement, sont partagés quotidiennement, ce qui nous permet d'attaquer des sujets « chauds » et donc de développer des innovations à un rythme soutenu.



RH : Aujourd'hui, ce partenariat rassemble 3 permanents côté ONERA, 5 côté LPN, et une quinzaine de doctorants et post-doctorants. Si Jean-Luc et moi restons affiliés à notre entité d'origine, les non-permanents sont quant à eux autant ONERA que LPN.



Nous tous travaillons indifféremment dans les salles blanches du LPN à Marcoussis, ou sur le site ONERA de Palaiseau, au gré des besoins des recherches et des réunions multiples que nous organisons. Il s'agit d'une vraie aventure scientifique commune même s'il n'y a pas eu fusion des deux laboratoires : simplement, les portes sont ouvertes, les échanges quotidiens et le partage ininterrompu.



Pas de doute, nous formons bien une véritable équipe, unie autour des mêmes objectifs. Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, nous nous comprenons parfaitement, même si, il faut le concéder, au début tout au moins, nous ne parlions pas le même langage scientifique : les uns préféraient exprimer les transitions optiques en électronsvolt, les autres en micron; il a donc fallu trouver un vocabulaire commun, mais ce sont aussi ces petites différences qui font l'enrichissement.

Riad Haidar et Jean-Luc Pelouard dans un des laboratoires de leur équipe commune au centre Onera de Palaiseau

Riad Haidar et Jean-Luc Pelouard dans un des laboratoires de leur équipe commune au centre Onera de Palaiseau

 Comment expliquez-vous le succès que vous rencontrez auprès des doctorants, si nombreux à frapper à la porte de cette équipe ?



JLP : Il est vrai que beaucoup de laboratoires se plaignent de manquer de doctorants. Nous n'avons pas ce souci, et ce, pour plusieurs raisons : d'abord, nous leur offrons, sur un sujet tout à fait d'actualité, des missions qui vont de l'amont à l'aval.



Ensuite, en sortant de chez nous, ils n'auront aucun mal à trouver du travail. Mieux encore, ils se verront encouragés à l'essaimage en entreprise par la dotation, en propre, d'un démonstrateur « à emporter sous le bras » à la fin de leur thèse, comme un actif de valeur leur permettant de monter leur start-up, et, à terme, si tout va bien à vendre aux industriels l'application que nous aurons pu breveter et développer ensemble. Certains l'ont déjà fait. En parlant de brevets, notez que rien qu'en 2010, notre équipe en a déposé pas moins de 3 !



RH : Evidemment, en contrepartie, nous sommes très exigeants dans le recrutement de ces doctorants. Nous cherchons de vraies locomotives, des candidats qui soient autonomes, créatifs, mobiles (tant géographiquement qu'au niveau des thématiques de travail) et qui n'aient pas peur de faire face à une lourde charge de travail.



Mais la motivation et l'enthousiasme de ces personnes sont telles que jusqu'ici, nous n'avons pas eu à regretter nos choix. Il faut dire qu'au sein de cette équipe, il existe une sorte d'alchimie qui s'est créée entre  science dure et technologie applicative, et entre des profils très différents (opticiens orientés physique appliquée versus théoriciens du plasma). Une alchimie qui nous booste tous pour atteindre au plus vite nos objectifs et surtout dépasser nos limites.

Vitrail : un exemple concret de projet « amont/aval »

Ce n'est pas un hasard si ce projet mené par l'équipe intégrée ONERA-LPN, autour de la problématique des interactions de type plasmonique, a été baptisé Vitrail. C'est une façon de rendre hommage au savoir-faire unique des maîtres-verriers du Moyen-Age qui maîtrisaient parfaitement l'insertion de nano-particules métallliques dans le verre et qui, au fond, faisaient de la plasmonique sans le savoir.

Une mosaïque de filtres du projet VITRAIL, et les spectres correspondants

Une mosaïque de filtres du projet VITRAIL, et les spectres correspondants

 Dès le départ, cette étude sur les mosaïques de filtres a été élaborée, au sein de l'équipe, pour qu'à terme l'objet puisse être intégré dans une application, à savoir une caméra infrarouge. C'est ce qui forme l'ADN de cette collaboration ONERA-LPN : le fondamental n'est jamais séparé de l'application. « Nous ne nous étions pas lancés tête baissée, à l'aveugle, sur ce sujet de recherche, précise Riad Haider. Nous avions au contraire clairement identifié ce besoin en échangeant avec la DGA*. »



Avec la réussite que l'on connaît sur ce programme Vitrail : en 2008, l'intégration d'une mosaïque de filtres dans une caméra devenait réalité. Une première mondiale « made in ONERA-LPN »



* DGA : Direction générale de l'armement

Un partenariat exportable ?     



Cette collaboration fructueuse et complémentaire entre l'ONERA et le LPN crée indéniablement un effet d'entraînement, comme l'explique Riad Haidar : «Le CIO va ainsi collaborer, sur un modèle similaire, avec l'IES à Montpellier. Et nous avons récemment présenté notre démarche de valorisation aux laboratoires d'excellence (labex) de Saclay, qui se sont montrés intéressés. »



Jean-Luc Pelouard confirme : « Plusieurs laboratoires d'excellence estiment que notre mode de fonctionnement, conduisant à une valorisation sur un cycle très court, a valeur d'exemplarité. Il n'est peut-être pas transposable à l'identique sur tous les sujets, mais il est à n'en pas douter exportable ! »



La question va devenir de plus en plus d'actualité, compte tenu du fait que la recherche autour des nanotechnologies appliquées à la photonique et à l'optique est une activité en plein développement.



Par ailleurs, depuis cette année, l'équipe ONERA-LPN a élargi ses recherches à la problématique des sources de lumière. « Ces sujets sont vastes et interconnectés. Il n'est pas possible de travailler dessus à quelques-uns, chacun dans son coin. Nous avons tout intérêt à élargir le cercle et à profiter des compétences des uns et des autres », conclut Riad Haidar.

 

* ONERA/DOTA : département Optique théorique et appliquée

** CNRS/LPN : laboratoire de photonique et de nanostructures

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