Portrait

Entre 8 et 12 microns, un domaine riche d'applications

La thèse de Myriam Raybaut vise à concevoir une source laser infrarouge capable d'émettre des photons entre 8 et 12 microns. Cela afin de détecter certains polluants. Mais il n'existe pas de source efficace d'où la nécessité d'innover... 

Thésarde au sein de l'Unité DOP (Diagnostics Optiques et Plasmas) que dirige Brigitte Attal-Tretout, Myriam Raybaut sera bientôt à mi-parcours de ce travail de recherche qu'elle a entamé aussitôt après avoir obtenu son diplôme d'ingénieur de l'Ecole Supérieure d'Optique. La thèse est une étape obligatoire pour cette jeune femme qui souhaite par la suite intégrer un grand établissement de recherche ou entrer dans l'industrie. " L'Onera offre la possibilité de faire des thèses qui, tout en étant parfois très appliquées, touchent à la physique plus fondamentale. Par conséquent, c'est un privilège de travailler ici ", souligne-t-elle.

Myriam Raybaut et sa
Myriam Raybaut et sa "manip"
Son " antre ", une petite salle dans laquelle est installée la " manip ", c'est-à-dire l'expérience sur laquelle elle travaille depuis déjà plusieurs mois, est située au coeur des locaux de l'ancien Fort de Palaiseau qu'occupe le Centre de l'Onera. Sur une plaque de métal dont la surface est d'environ 2 à 3 m2 sont disposés de multiples dispositifs optiques différents. " Cette manip a été construite par les thésards qui m'ont précédée et je l'ai adaptée à mon sujet. L'objectif final de ma recherche est de parvenir à concevoir un matériau bi-fonction dans lequel il se produit deux effets, d'abord un effet laser, ensuite un effet d'optique non linéaire ", précise cette jeune femme qui parle avec enthousiasme d'un domaine qui, bien que très ludique, reste néanmoins difficile d'accès pour les non-initiés. Cependant, ce monde étrange recèle une multitude de phénomènes tous plus étonnants les uns que les autres dont la compréhension et la maîtrise pourraient permettre à terme l'émergence d'applications très prometteuses.
 

Son " antre ", une petite salle dans laquelle est installée la " manip ", c'est-à-dire l'expérience sur laquelle elle travaille depuis déjà plusieurs mois, est située au coeur des locaux de l'ancien Fort de Palaiseau qu'occupe le Centre de l'Onera. Sur une plaque de métal dont la surface est d'environ 2 à 3 m2 sont disposés de multiples dispositifs optiques différents. " Cette manip a été construite par les thésards qui m'ont précédée et je l'ai adaptée à mon sujet. L'objectif final de ma recherche est de parvenir à concevoir un matériau bi-fonction dans lequel il se produit deux effets, d'abord un effet laser, ensuite un effet d'optique non linéaire ", précise cette jeune femme qui parle avec enthousiasme d'un domaine qui, bien que très ludique, reste néanmoins difficile d'accès pour les non-initiés. Cependant, ce monde étrange recèle une multitude de phénomènes tous plus étonnants les uns que les autres dont la compréhension et la maîtrise pourraient permettre à terme l'émergence d'applications très prometteuses.

Concevoir une source émettant entre 8 et 12 microns

Le travail de recherche que mène Myriam Raybaut devrait la conduire à concevoir une source laser infrarouge capable d'émettre des photons entre 8 et 12 microns, une région très importante pour la détection de certains polluants, en particulier dans le cadre d'applications militaires. Précisons que le corps humain émet à 10 microns. Le seul problème est que les matériaux non-linéaires traditionnels absorbent dans cette gamme de longueur d'onde. " Le laser à cascade quantique pourrait être un concurrent possible, mais il n'est absolument pas accordable tout comme les gros lasers CO2 à 10 microns ", note la jeune thésarde. Par conséquent, il n'existe quasiment pas de sources qui soient à la fois efficaces, accordables dans cette gamme de longueur d'onde et, qui plus est, bon marché. D'où l'obligation pour les chercheurs de l'unité DOP de se tourner vers de nouveaux matériaux, ce qui implique le développement de nouvelles techniques.

Deux solutions étaient disponibles. L'une d'entre elles, difficile à mettre en ouvre puisqu'elle nécessite de réaliser un sandwich au moyen du collage d'environ 180 plaquettes dont l'épaisseur est de 500 microns, a conduit la doctorante de Palaiseau à opter pour la seconde solution, " plus élégante ". Pour les photons, il s'agit de se propager en zig zag à l'intérieur d'un matériau, en l'occurrence une plaquette de semi-conducteur issue du secteur de l'optoélectronique. A chaque réflexion, apparaît alors sur les interfaces ce que les spécialistes appellent un déphasage des ondes, " déphasage qui va nous permettre de conserver une interaction constructive sur tout le matériau et d'obtenir ainsi de la différence de fréquence ou de l'oscillation paramétrique ", observe-t-elle.

En compétition avec une équipe de Stanford

S'il ne s'agit pas d'une " grosse manip " de l'avis de celle qui en a la responsabilité, en revanche, cette expérience se construit progressivement et évolue en permanence. Aussi est-elle constituée d'éléments de base - notamment un laser YAG de 1,06 micron à 30 Hz - qui permettent d'obtenir des photons à 1,9 et 2,3 microns autour desquels Myriam Raybaut conçoit différentes expériences. " Récemment, je suis allée faire une semaine d'expérimentation à Caen, au CIRIL, avec un nouveau laser de pompe à 1,9 micron ", indique-t-elle. Le plus important pour elle est en effet de pouvoir disposer de photons à 1,9 micron qui sont envoyés ensuite dans une cavité optique à l'intérieur de laquelle se trouve un matériau aux propriétés à la fois laser et non-linéaire. " Ce sont les ions chrome qui vont permettre d'obtenir l'effet laser. Pompés à 1,9, ils émettront à 2,3. Et le mélange de ces deux longueurs d'onde à l'intérieur du matériau non-linéaire générera un rayonnement à 9 microns ".

Pour l'heure, Myriam Raybaut n'est pas encore parvenue à obtenir beaucoup de photons entre 8 et 12 microns, même si elle utilise un certain type de détecteur infrarouge refroidi à l'azote liquide, histoire de pouvoir détecter des niveaux d'énergie extrêmement faibles, de l'ordre du pico-joule, soit 10-12 joules ! Néanmoins, elle reste très confiante sur les résultats à venir et sur la source qui devrait être mise au point à la fin de cette thèse. S'il n'est pas encore question de parler de transfert de technologie, la thésarde de l'Onera rappelle néanmoins que cela s'est déjà produit au sein de l'unité DOP. Il est permis de penser qu'à terme, il ne subsistera qu'une technique. S'agira-t-il de la technique développée outre-Atlantique par l'équipe de Stanford ? " Notre principal atout est que nous faisons appel à une technologie très bon marché. Nous achetons des wafers que nous faisons découper et préparer selon nos besoins. En revanche, la technologie concurrente nécessite un travail d'épitaxie et de croissance des matériaux qui est forcément plus complexe dans sa mise en ouvre ", estime-t-elle.

Rester dans le domaine de la R&D

Pensive face à cet univers ludique que représente l'optique, survolant du regard l'ensemble de sa manip qui, le temps d'une thèse, c'est-à-dire trois ans, aura occupé une grande partie de ses journées, de ses soirées et de ses week-ends, cette doctorante s'interroge déjà sur la suite de sa carrière. " J'ai très envie de rester dans le secteur de la R&D, et plus particulièrement dans le domaine des lasers qui m'a séduit dès mon entrée à l'Ecole Supérieure d'Optique. Peut-être intégrer un grand établissement public de recherche comme l'Onera, ce qui serait parfait, ou trouver un emploi dans l'industrie ". Mais pour l'heure, elle ne doit penser qu'à sa thèse, une étape qu'elle considère comme indispensable dans sa formation. " Elle permet en effet de mieux appréhender une discipline comme la physique à travers la théorie et l'expérimentation. Et quand on parvient à expliquer un problème, c'est une grande satisfaction, croyez-moi ", conclut-elle en souriant.

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