Les prouesses technologiques dans le domaine de l'aéronautique nous fascinent. Il ne faudrait pas oublier que ce sont des humains qui les pilotent et que d'autres humains en subissent les désagréments. D'où l'intérêt des recherches sur les facteurs humains, indispensables pour améliorer la sécurité et diminuer les nuisances.
Numéro 09
Ah, si les hommes n'existaient pas, l'aéronautique aurait moins de problèmes ! pas d'erreurs de pilotage, pas de riverains excédés... Au-delà de la boutade, il est important de noter que certaines recherches n'ont pour finalité que le confort humain. Le bruit, par exemple, ne perturbe aucunement les machines. La seule motivation des travaux destinés à améliorer l'acoustique des avions est donc l'homme. Très peu de recherches sur le bruit en tant que nuisance étaient conduites à l'Onera jusque récemment. " Nous nous sommes aperçus qu'il n'existait pas de mesures simultanées du bruit des avions et de la gêne ressentie par les habitants. | |
Les seules enquêtes avaient lieu après-coup ", raconte Laurent Chaudron, qui mène des recherches sur les facteurs humains au Département Commande des Systèmes et Dynamique du Vol (DCSD) de l'Onera, à Toulouse et Salon-de-Provence. Un étudiant, Marc Boyer, a démarré un travail de thèse sur ce sujet en 1998. " Nous avons tout d'abord redécouvert une évidence : plus le bruit est fort, plus la gêne est grande. Mais nous avons voulu aller plus loin : comment est ressentie cette gêne ? Nous avons donc demandé aux riverains comment ils savaient qu'ils étaient gênés. Et là, les gens ne savaient pas répondre ". Finalement, en posant de multiples questions, les chercheurs s'aperçoivent que les gens se sentent perturbés dans leur activité, qu'elle soit de loisir ou professionnelle. Pour mesurer plus précisément cette perturbation, l'Onera a proposé une expérience aux visiteurs du salon de l'aéronautique du Bourget en 2001. Les volontaires devaient réaliser une tâche nécessitant de la concentration : piloter un logiciel puis évaluer des consignes compliquées. Durant ce temps, ils subissaient ou non des bruits d'avions pré-enregistrés. Ils devaient ensuite indiquer si le bruit les avait perturbés et évaluer leur performance. Les résultats avec et sans bruit étaient mesurés. Sur une soixantaine de volontaires, la quasi-totalité a affirmé être gênée par le bruit et la moitié a déclaré avoir ressenti une dégradation de ses performances. Jusque-là, rien d'étonnant. Sauf, qu'en fait, dans la moitié des cas les performances réelles étaient meilleures avec les bruits d'avions ! |
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" Certes, relativise Laurent Chaudron, le temps d'exposition au bruit était court, pas plus d'une vingtaine de minutes, et nous n'avons donc pas mesuré l'effet de fatigue. Mais cela nous montre que la perturbation due au bruit est une notion tout à fait subjective. En deçà de certains seuils, l'activité n'est pas perturbée. Mais bien sûr, cela ne signifie pas que la gêne ne soit pas réelle. " Nous pouvons vérifier quotidiennement qu'une certaine ambiance sonore améliore les performances : de nombreuses personnes préfèrent entendre leurs collègues travailler autour d'eux plutôt qu'un silence total. Cela les place dans une atmosphère propice à la concentration. | |
Cécile Michaut, journaliste scientifique. |