Les méchants rayons du soleil

Les composants électroniques subissent, surtout en altitude, des radiations naturelles susceptibles de les endommager ou de créer de fausses informations. L’ONERA évalue ces dommages, afin d’améliorer la fiabilité des satellites ou des avions.



Une superbe aurore boréale, c'est aussi une terrible tempête solaire. Le genre de risque que les fabricants de satellites prennent en compte dès la conception

 



Cascades de particules atmosphériques générées à partir de rayons cosmiques

Le Soleil, sans qui la vie n’existerait pas sur Terre, ne nous procure pas que des bienfaits. Il émet aussi des particules de très grande énergie, qui créent des rayonnements ionisants, surtout en haute altitude. Les satellites et les avions y sont donc particulièrement exposés. Or, ces rayonnements ont des effets délétères sur les systèmes électroniques : ils interagissent avec les circuits, créant un signal parasite qui perturbe le traitement des informations. Pire, certains rayonnements endommagent définitivement des composants de l’électronique de puissance. Il est donc crucial de pouvoir prédire la fiabilité des composants au cours de leur durée de vie, d’autant plus lorsqu’il s’agit de composants essentiels pour la sécurité, par exemple dans les avions.

« Cette question des défaillances induites par les particules est bien connue des fabricants de satellites et de véhicules spatiaux, qui doivent indiquer le niveau de fiabilité de leur matériel. Certes, il n'a jamais été démontré qu'un satellite ait été endommagé pour cette raison, mais les anomalies en vol ne sont pas rares. De plus, les effets d'irradiation concernent aussi l’électronique au sol, même si l'environnement  est moins agressif.  « Or, avec la miniaturisation des composants, la sensibilité des circuits aux rayonnements s'accroît. » observe Sophie Duzellier, chercheuse au département  Environnement spatial  à l’ONERA. Cette miniaturisation implique également de diminuer les tensions d’alimentation du circuit électronique. Or, lorsque les tensions sont plus basses, le signal est également plus faible, donc plus facilement perturbé par un signal transitoire issu d’un rayonnement.

 

     

Traces des particules ionisantes de forte énergie dans l'imageur 

d'une caméra CCD  (points et traces blanches)

La résistance des circuits aux rayonnements est d’autant plus cruciale que l’électronique est de plus en plus présente dans nos vies : une voiture moderne contient un grand nombre de calculateurs ! Imaginez une défaillance de l’un d’entre eux, dans des fonctions touchant à la sécurité ! Certes, il existe des parades, par exemple des codes destinés à corriger la plupart des erreurs, mais ils complexifient les logiciels, et sont sans effet contre les effets destructifs touchant les composants de puissance.



Carte électronique dont la fonction est de mesurer les effets singuliers dans un plan mémoire (Coopération TIMA)

L’équipe de Sophie Duzellier évalue la sensibilité des composants aux rayonnements, afin de prédire leur fiabilité. Pour cela, elle prédit la probabilité d’un événement (fausse information ou défaillance d’un composant) dû aux particules ionisantes, selon le type de composant, l’architecture du circuit, et les rayonnements qu’il sera amené à rencontrer dans son application finale. Les défaillances sont d’abord modélisées, puis vérifiées expérimentalement. Une plateforme de mesure située en haut du Pic du Midi dans les Pyrénées permet également de mesurer les radiations atmosphériques naturelles.

   

L'observatoire du Pic du Midi de Bigorre et une partie des détecteurs sphériques du spectromètre HERMEIS (coopération avec l'IRSN). En bas : relevé de l'environnement radiatif naturel (ERN) atmosphérique lors d'une éruption solaire.

« Nous pouvons aussi prédire la fiabilité des composants lors de leur conception, avant même qu’ils soient fabriqués, indique la chercheuse. Ainsi, si un fabricant souhaite concevoir un nouveau circuit,   nous sommes capables de lui dire comment celui réagira aux phénomènes radiatifs. » Les industriels peuvent ainsi concevoir des circuits optimisés, à la fois résistants, compacts et économes en énergie.

Cécile Michaut, journaliste scientifique

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