Les céramiques surprennent encore

Un peu délaissées aujourd’hui, les céramiques n’ont pourtant pas dit leur dernier mot : les dernières générations de céramiques « eutectiques » sont très prometteuses pour les moteurs, tandis que les composites céramiques - plus traditionnels - retrouvent une nouvelle jeunesse grâce à des procédés à bas coût.

Numéro 34

Microstructure d'un alliage ternaire (à 3 composants), étudié pour accroître la ténacité, c'est-à-dire s'opposer à la propagation des fissures pour diminuer la fragilité.
Microstructure d'un alliage ternaire (à 3 composants), étudié pour accroître la ténacité, c'est-à-dire s'opposer à la propagation des fissures pour diminuer la fragilité

 

Un peu délaissées aujourd’hui, les céramiques n’ont pourtant pas dit leur dernier mot : les dernières générations de céramiques « eutectiques » sont très prometteuses pour les moteurs, tandis que les composites céramiques - plus traditionnels - retrouvent une nouvelle jeunesse grâce à des procédés à bas coût.

La baisse des consommations et des émissions de polluants est aujourd'hui un impératif pour toute l'industrie aéronautique. Et les céramiques pourraient jouer un rôle dans cette course à la l'efficacité.

Pour améliorer les rendements des moteurs d'avions et d'hélicoptères, il faut augmenter la température. Mais on se heurte rapidement aux limites des matériaux qui composent ces moteurs. La plupart des alliages métalliques ne supportent pas des températures supérieures à 1100 °C, et les céramiques sont fragiles. " Dans les années quatre-vingt, nous avions mis de grands espoirs dans les composites à matrice céramique, c'est à dire des céramiques renforcées par des fibres , rappelle Michel Parlier, chercheur au Département des matériaux et systèmes composites à l'Onera. Mais les résultats ont été inférieurs aux attentes : les caractéristiques mécaniques ne sont pas aussi bonnes que l'on souhaiterait, et le coût est trop élevé. "
C'est pourquoi l'Onera travaille à la conception de nouveaux matériaux plus performants, baptisés céramiques eutectiques à base d'oxydes. "  Nous mettons beaucoup d'espoirs dans cette famille de matériaux ", souligne Michel Parlier. Ce sont des mélanges d'oxydes métalliques qui, à certaines proportions, fondent ensemble, à une température légèrement inférieure à la température de fusion de chaque oxyde pris séparément. 

Exemples d'aubes de turbines en céramiques eutectiques élaborées par UBE au Japon.
Exemples d'aubes de turbines en céramiques eutectiques élaborées par UBE au Japon

On obtient ainsi des céramiques dans lesquelles les oxydes métalliques sont intimement imbriqués sous forme des monocristaux, ce qui leur confère des propriétés mécaniques remarquables. «  Ils sont stables pratiquement jusqu'à la température de fusion, aux alentours de 1700° C pour les matériaux à base d'alumine (oxyde d'aluminium), d'yttrine (oxyde d'ytrium) et de zircone (oxyde de zirconium) », observe le chercheur.

L'objectif est de fabriquer des matériaux pour les aubes des turbines non refroidies. Les superalliages utilisés aujourd'hui, stables jusqu'à 1200°C au maximum en régime d'urgence, nécessitent d'être refroidies à l'air. Cela engendre des pertes de rendement. De plus, l'injection d'air rend la turbine plus complexe. « Nous visons les moteurs des petits avions, mais aussi les turbines de cogénération, qui produisent conjointement de la chaleur et de l'électricité  », note Michel Parlier.

Une première thèse, terminée fin 2005, visait à élaborer ces céramiques eutectiques, et à étudier la corrélation entre la composition de ces céramiques et leur structure à l'échelle microscopique. Une seconde thèse est en cours pour tenter d'évaluer les propriétés mécaniques de ces matériaux, notamment les propriétés de fluage (déformation) et de ténacité (fragilité en présence d'un défaut).

Parallèlement, les composites céramiques à renfort fibreux n'ont pas été totalement délaissés. Les objectifs ont été revus à la baisse : ils ne concernent plus les zones les plus chaudes des moteurs, mais plutôt les parties subissant des températures de 700 à 800°C. Les composites organiques ne résistent pas à ces températures, et les alliages de titane, coûteux, sont limités à 600°C. «  Nous cherchons donc à développer des composites céramiques à bas coût » , indique Michel Parlier. Pour cela, il faut simplifier leur procédé de fabrication. « Nous partons de silicone, que l'on modifie pour créer des liaisons entre le silicium et le carbone, indique le chercheur. Puis nous ajoutons des fibres, et nous mettons ce matériau en forme comme pour une résine de type époxy comme celle des bateaux. Enfin, nous pyrolysons l'ensemble, et nous obtenons ainsi des céramiques à bas coût, car les matériaux de départ sont bon marché et le procédé de fabrication est simple. »

Image au microscope électronique à transmission d'une fissure déviée par une phase de zircone
Image au microscope électronique à transmission d'une fissure déviée par une phase de zircone

Image au microscope électronique à balayage du composite ternaire Al2O3-YAG-ZrO2 solidifié à 10 mm/h. L'alumine apparait en noir, le YAG en gris et la zircone en blanc.
Image au microscope électronique à balayage du composite ternaire Al2O3-YAG-ZrO2 solidifié à 10 mm/h. L'alumine apparait en noir, le YAG en gris et la zircone en blanc.

 

Cécile Michaut, journaliste scientifique.

 

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