Contrôle radar lunaire

On peut étudier le sol, et même le sous-sol, de la Lune… sans quitter la Terre ! C’est ce que peut faire en effet le radar Nostradamus de l’Onera, si l’on tourne son regard électromagnétique vers la Lune plutôt qu’au-delà de l’horizon.

Numéro 47

Nostradamus voit au delà de l'horizon mais aussi au delà de l'atmosphère !
Pour éliminer ou réduire les émissions de bruit d'un avion, il faut d'abord les localiser (ici carte obtenue par antenne acoustique au sol en phase d'approche).

Jusqu’à présent, Nostradamus, le radar transhorizon  « à ondes de ciel » de l’Onera exploitait les propriétés de stratification de l’atmosphère pour détecter des objets bien au-delà de l’horizon. Les ondes radars de Nostradamus, pour cet usage, se réfléchissent sur l’ionosphère, à des altitudes comprises entre 100 et 300 km, et permettent de détecter des cibles mobiles bien au-delà de l’horizon, de quelques centaines à plusieurs milliers de kilomètres… Les applications de Nostradamus concernent naturellement la défense et la sécurité puisque le radar est capable de détecter des mouvements d’aéronefs, de bateaux, fort loin de nos frontières. Mais Nostradamus est aussi un puissant outil de recherche pour les géophysiciens, océanographes et aéronomes qui l’utilisent pour étudier les mouvements de l’ionosphère, dresser l’état de la mer et des courants marins, ou être alertés en cas de séïsme ou de tsunami.

Dans l’idée de diversifier les cibles et les pratiques possibles de ce puissant outil de détection, de nouvelles fonctionnalités ont été explorées depuis 2009, avec l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), collaborateur régulier de l’Onera

C’est vers notre satellite naturel que ses ondes se dirigent désormais, en exploitant une nouvelle technique : la propagation trans-ionosphérique, qui consiste à traverser cette fois l’ionosphère en utilisant les ondes de plus hautes fréquences du spectre HF.

Pourquoi la Lune ? Deux raisons : la première, selon Jean-Philippe Molinié, du département Electromagnétisme et radar : « Pour nous, c’est plutôt l’intérêt radar : quand une onde de haute fréquence traverse les couches ionosphériques, elle est légèrement déviée. La correction de ces biais améliorerait la localisation des objets à l’intérieur des couches ionosphériques, ou même au-delà ». Ces mesures viendraient en complément de celles du radar de veille spatiale Graves, également conçu par l’Onera, qui détermine les orbites des satellites survolant la France.
 

Le réseau d'antennes du radar Nostradamus
Le réseau d'antennes du radar Nostradamus

La seconde raison d’une telle investigation, pour les chercheurs de l’IPGP, est l’étude de la surface lunaire. « Ça les intéresse, parce qu’en HF, on doit pouvoir pénétrer dans la surface lunaire, sous le régolithe, pour sonder un peu le sous-sol » précise le spécialiste du radar. On estime ainsi la profondeur de pénétration des ondes, ce qui procure des renseignements sur la composition du sous-sol, où certains espèrent encore trouver de l’eau en bonne quantité. Par ailleurs, les mesures de la Lune en ondes HF permettraient de connaître certains paramètres de la surface lunaire, comme la permittivité diélectrique et la conductivité de la surface.
 
Voici à quoi ressemble la lune sur l'écran radar de Nostradamus ! Pour les spécialistes, cette trace fait sens (voir plus bas)
Voici à quoi ressemble la lune sur l'écran radar de Nostradamus !
Pour les spécialistes, cette trace fait sens (voir plus bas)


Pour le moment, l’évaluation de la faisabilité de l'étude de la Lune à l'aide de Nostradamus a commencé par un bilan énergétique concernant la signature de la Lune : il tient compte de la distance et de la taille de l’astre. Les résultats obtenus lors de la première expérimentation ont été satisfaisants, le satellite naturel de la Terre a bien été détecté. Mais, comme le précise Jean-Philippe Molinié : « Il a fallu approfondir, car la Lune n’a pas un écho ponctuel, comme un avion. C’est une grosse sphère, la résolution radar fait que l’on doit la découper en tranches ». Une autre question à résoudre est celle de la résolution de l’observation. « On atteint des résolutions de quelques kilomètres de côté, selon la longueur d’onde utilisée ». "Dans l’avenir," continue le chercheur, « on utilisera des techniques d’imagerie radar "synthétiques" pour profiter du déplacement de la Lune et obtenir une image bien plus précise en deux dimensions de la surface de la Lune. »

Que de chemin parcouru depuis l’époque de la guerre froide, où on prenait l’écho radar de la Lune pour une flotille de missiles soviétiques !

Propos recueillis par Eric Millet

 

Compléments techniques

L’écho rétrodiffusé par la surface lunaire est séparé en points distances (pour une résolution en distance radiale de quelques kilomètres). Le traitement distance découpe à la surface de la Lune des anneaux iso-distances. De même, un traitement Doppler découperait des demi-anneaux iso-Doppler.
L’écho rétrodiffusé par la surface lunaire est séparé en points distances (pour une résolution en distance radiale de quelques kilomètres). Le traitement distance découpe à la surface de la Lune des anneaux iso-distances. De même, un traitement Doppler découperait des demi-anneaux iso-Doppler.

 

Image Doppler-distance de l’écho rétrodiffusé. Un objet de taille réduite aurait un écho ponctuel. La longueur du segment de l'écho corresponnd au rayon de la Lune (soit 1700 km).
Image Doppler-distance de l’écho rétrodiffusé. Un objet de taille réduite aurait un écho ponctuel. La longueur du segment de l'écho corresponnd au rayon de la Lune (soit 1700 km).

 

Coupe suivant les distances de l’écho rétrodiffusé
Coupe suivant les distances de l’écho rétrodiffusé

 

 

Back to the list