L'Espace : nouveau théâtre militaire

Face à de nouvelles menaces et à l'entrée en scène de nombreux nouveaux acteurs, la politique spatiale de défense française connaît une inflexion qui donne un rôle de premier plan à l'innovation et à la recherche.

Un contexte en mutation

Traversé depuis longtemps par des missiles intercontinentaux, l'Espace a progressivement acquis le statut de milieu militaire à part entière, à l'instar du ciel au cours de la Première guerre mondiale.
En France, la prise de conscience de cette "arsenalisation" de l'Espace est récente et s'appuie sur une analyse partagée par les pouvoirs public et les experts, des impacts des différentes transformations et ruptures technologiques sur notre environnement stratégique et de sécurité. Cette évolution des perceptions est corroborée par divers événements, tels l'approche intempestive, en septembre 2018 par un satellite russe, du satellite Athena-Fidus, assurant une partie des communications militaires françaises, ou la récente destruction d'un satellite par un missile balistique indien.

De nouveaux acteurs

Space XPar ailleurs, la vague d'initiatives privées, généralement qualifiée de new space, est désormais prise très au sérieux. En effet, ces nouveaux acteurs du spatial parviennent souvent à faire plus vite et moins cher, tout en étant plus performants, dans le domaine des lanceurs comme dans celui des systèmes spatiaux. Outre les lanceurs réutilisables promus par Elon Musk (Space X), cette révolution industrielle s'est également manifestée par la démocratisation de la très haute résolution. De nombreuses plate-formes fournissent des images en utilisant des constellations de satellites légers - 5 kg pour Planet Lab qui atteint une résolution de 3 m. Autre exemple : la Finlande a mis en orbite des satellites de moins de 100 kg embarquant un système d'imagerie radar à synthèse d'ouverture, capable de fournir une résolution de l'ordre du mètre.
Face à ces évolutions technologiques et à cette nouvelle concurrence, la politique spatiale de défense française doit s'adapter et saisir les opportunités offertes par toutes les sources d'innovation.

L’ONERA dans tout ça ? Un large spectre des activités spatiales

L'ONERA dispose de compétences clés dans l'ensemble des domaines concernés par la défense spatiale.

Premier système de veille spatiale

Graves
© SIRPA Air/Anthony Jeuland

Il a notamment  développé le premier système de veille spatiale, appelé GRAVES, qui permet de suivre et de cataloguer 3000 objets, en orbite basse et jusqu'à 1000 km. Depuis la mise en service en 2005 de ce système, la France est l'un des rares pays à disposer de moyens autonomes de surveillance de l'Espace, ce qui lui permet de revendiquer un statut de partenaire vis-à-vis des Américains, et de disposer d'informations vérifiées et plus complètes. L'ONERA effectue actuellement la remise à niveau de ce système afin de garantir son fonctionnement jusqu'en 2030, tout en améliorant certaines de ses performances. De plus, l'ONERA a conçu un nouveau système qui permettra, à plus long terme, de voir plus loin des objets plus petits, dans un contexte de multiplication des projets de constellations et de miniaturisation des satellites.

Le système GRAVES sera un des thèmes phares du stand ONERA au Bourget 2019 (17 au 23 juin 2019)

L’alerte spatiale

L'ONERA a une expertise dans le domaine de l'alerte spatiale, qui consiste à détecter les départs de missiles balistiques en observant en continu la Terre ou son voisinage grâce à des capteurs optiques placés en orbite. Outre la fonction de détection, un système d'alerte spatial peut aussi servir à estimer la localisation du point d'impact, à désigner à un autre système la position du missile, ou encore à évaluer la position du pas de tir. Ces différentes fonctions permettent donc de protéger les populations ou des forces déployées, mais également d’accroître la dissuasion.

Optique adaptative

Pour l'imagerie haute résolution des objets en orbite basse, des systèmes optiques sont envisagés. Leur conception bénéficiera sans doute de l'optique adaptative ONERA, qui permet de corriger des turbulences atmosphériques, domaine dans lequel l'ONERA a développé une expertise mondialement reconnue.

L'ONERA bénéficie également d’une expérience significative des armes antisatellites à énergie dirigée, en particulier celles utilisant des lasers. Dans le sillage de l'initiative de défense stratégique, dans les années 1990, des essais grandeur nature de neutralisation de satellites en fin contractuelle de vie opérationnelle, ont ainsi été menés : de précieuses données ont été recueillies, notamment sur les niveaux d'énergie nécessaires. Dans ce domaine encore, le bagage de l'optique adaptative pourrait être mobilisé.

Lanceurs réutilisables

Dès 2000, l'ONERA a proposé à sa tutelle de travailler sur les lanceurs réutilisables ; aujourd'hui, il participe au développement d'un accès innovant et économique à l'Espace, dans une perspective aussi bien civile que militaire. L'enjeu est d'apporter réactivité et flexibilité, à un coût optimisé pour parer aux situations de crise, par exemple pour organiser la réponse à une catastrophe naturelle. Il s'agit également de préparer l'avenir, des lanceurs lourds au-delà d'Ariane 6, ainsi que des petits lanceurs, dont l'idée fait son chemin en France.

Maquette du démonstrateur EOLE dans la soufflerie Onera L2 de Lille. Le projet EOLE est le fruit
Maquette du démonstrateur EOLE dans la soufflerie Onera L2 de Lille

Le projet EOLE est le fruit d'une étroite collaboration avec le CNES sur le principe du lancement aéroporté : le premier étage d'un lanceur est remplacé par un véhicule porteur automatique réutilisable. L'objectif : obtenir un compromis mêlant efficacité, coût et disponibilité pour offrir une alternative performante et réactive aux systèmes de lancement habituels, pour la mise en orbite de petites charges.

Autres thèmes du spatial de défense étudiés à l'ONERA : la survivabilité des systèmes spatiaux devenus cruciaux pour les télécommunications ou pour le renseignement, ou encore les nouveaux concepts de service en orbite, fondés sur des petits satellites en charge de mission d'inspection et/ou de maintenance.

Fort de cette expérience et de ce vaste champ d'expertise, l'ONERA est appelé à jouer un rôle clé  dans le renouveau de la politique spatiale française.

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